« Faire des plans et taper des rapports (pour un service de renseignement) ne suffisait pas au tempérament d'action de Brouns », déclare à son propos un membre du Front de l’Indépendance dans son dossier de reconnaissance d'après-guerre. Gendarme chargé de maintenir l'ordre au service de l'occupant, il organise la résistance de manière clandestine. Henri Brouns dirige une « très bonne » section d'un service de renseignement, est à l’origine de la résistance armée à l’échelon local, distribue tracts, brochures et journaux clandestine. Par ailleurs, il rédige, avec des collègues, un journal clandestin local sur la machine à écrire de la gendarmerie.
A la brigade de gendarmerie de Machelen
Henri Brouns est né le 26 septembre 1907 dans la commune limbourgeoise de Bocholt. Il s'installe à Machelen, où il rejoint, avec sa famille la brigade de gendarmerie en tant que sous-officier. Marié à Simonne Van de Velde, le couple a trois enfants nés avant le début de la Seconde Guerre mondiale.
Machelen est une petite commune située au nord de Bruxelles. Pendant l'entre-deux-guerres, elle a connu une forte augmentation de sa population, attirée par l'expansion de la zone industrielle de Machelen-Haren-Vilvorde. Le nombre de maisons et d'habitants y a doublé. De nombreux nouveaux venus dans l’entité rejoindront les groupes de résistance pendant l'occupation.
Dans la nuit du 17 au 18 mai 1940, les premières troupes d’occupation arrivent à Machelen. La guerre y est désormais un fait un fait concret. La commune est entourée d'infrastructures d'importance stratégique. Elle se situe à la périphérie de Bruxelles et de Vilvorde. Elle est traversée par l’importante liaison ferroviaire entre Bruxelles et Anvers et compte une importante gare de formation à Haren et une zone industrielle. Et surtout, à l'est, se trouvent les aéroports assez récents de Melsbroek et d'Evere, utilisés par la Luftwaffe.
Les forces d'occupation sont très présentes dans la commune, des soldats de la Luftwaffe séjournent dans l'école communale. La collaboration nationaliste flamande est importante. Un bourgmestre de guerre VNV est installé. En matière de collaboration économique, l'entrepreneur Van Campenhout s’est vu attribué par l’occupant le contrat de collecte des milliers de cloches dans les églises de Belgique et du nord de la France.
Des gendarmes apportent leur aide à des résistants ou y participent activement. Du fait de sa profession, Brouns a probablement beaucoup dû collaborer avec les forces d'occupation mais il a été très actif dans la résistance. Il compte plusieurs résistants parmi ses collègues. A Machelen, cinq gendarmes auraient été engagés dans la lutte clandestine.
L'engagement
Henri Brouns initie et organise la résistance à l'échelon local. Il fait de la propagande clandestine, du renseignement, coordonne le soutien à des personnes entrées dans la clandestinité. Il s'engage également dans des groupes de résistance armée et du sabotage.
A la fin de la guerre, le réseau de renseignement Luc-Marc est le plus important de l’entité. Il collecte des informations qu'il tente de transmettre aux Britanniques. Au sein de ce réseau, Pierre Demaeseneer (VN/H/0) fonde le secteur VN/H en septembre 1942. Le même mois, cet officier de gendarmerie recrute Henri Brouns (alias VN/H/4 ou Léon) comme chef de section pour recueillir des renseignements généraux sur Machelen, Vilvorde et les environs. Il utilise sa position et son accès à l'information en tant que gendarme dans la lutte contre les nazis. Ses renseignements ont été jugés « très bons », alors que la plupart des officiers de section sont évalués comme « bons » ou « assez bons ». Il est considéré comme un « excellent agent ». Un grand nombre de documents de renseignement originaux sont d’ailleurs consultables aux Archives de l’Etat. Ils concernent les mouvements de troupes, les transports, les usines occupées, etc.
Les renseignements provenant de cette section VN/H ont été traités avec d’autres résistants locaux tels Camille François, président local de la Chambre de Commerce et Henri Vanhaelen, fonctionnaire communal. François dispose d'un important réseau et connaît bien les industries environnantes. C'est chez Vanhaelen que le groupe de Brouns se réunit dans une annexe du salon, sous le prétexte d'une partie de cartes.
De nombreuses activités se déroulent sous la bannière de la section du Front de l'Indépendance fondée par Brouns en juillet 1942. Sous cette étiquette, il participe à l’action clandestine à Machelen, Diegem, Vilvorde, Haren et Kampenhout. Par le biais de ce mouvement, diverses journaux illégaux tels Légion Noire, De Spion... sont diffusés. Par cette propagande clandestine, il s’agit de convaincre la population « que les Allemands ne pourront jamais gagner la guerre ». La Seconde Guerre mondiale est aussi une guerre idéologique. Sur base d’une déclaration de Henri Dammekens, l’un de ses compagnons de lutte, on sait que Brouns a rédigé, sous le couvert de l’anonymat, un article pour la Légion Noire en décembre 1942. Cette contribution donne un aperçu du caractère radical et intransigeant de ses opinions. Dans cet article signé « Machelen », il défend la violence et les attentats contre les nazis et les collaborateurs comme des moyens nécessaires, même s'ils entraînent des représailles contre des civils innocents. Ce plaidoyer en faveur de la violence politique ne prouve cependant pas son implication active.
Les trois quarts des journaux clandestins belges sont rédigés en français. Parce qu'un clandestin en néerlandais est mieux accepté dans une commune flamande, le groupe décide de créer son propre organe du Front de l’Indépendance de Machelen. Ils diffusent également des tracts et se livrent à de petits actes de sabotage. A la libération, ce groupe compte une centaine de membres.
Le tournant
Le matin du 25 mars 1944, Henri Brouns et son compagnon d'armes Camille François sont arrêtés lors d’une rafle de la Geheime Feldpolizei et de la brigade Z de Rex. Brouns est arrêté ensuite à la caserne de gendarmerie par des membres de la GFP. On soupçonne qu'il s'agit d'une trahison, mais les faits n'ont jamais pu être prouvés.
Commence alors un long calvaire. Brouns est d’abord enfermé dans les locaux de Rex, place Rouppe à Bruxelles. Le lieu est connu pour les mauvais traitements infligés aux détenus. De là, il est transféré à la prison de Saint-Gilles. Il est ensuite déporté au camp de concentration de Buchenwald dans la nuit du 5 mai 1944 avec le « convoi du 8 mai ». Il s'agit de l'un des quatre trains envoyés par les forces d'occupation pour remédier à la surpopulation des prisons. 957 prisonniers politiques sont entassés dans des wagons de marchandises pendant 3 jours. L'un d'eux transporte Brouns vers les camps satellites de Dora (Sangerhausen, Harzungen et Boelcke-Kaserne). Le principe d’Himmler de « destruction par le travail » y règne en maître. Les détenus y sont contraints de travailler à la fabrication des V1 et des V2.
Finalement, pour faire place à des forces de travail « fraîches », il est transféré au camp de concentration de Bergen-Belsen avec un transport de prisonniers malades qui ne sont plus en mesure de travailler. Il y arrive le 13 mars et meurt probablement entre le 13 et le 16 mars 1945, un mois avant la libération du camp le 15 avril 1945.
Reconnaisance posthume
Dans les demandes de reconnaissance de l'engagement de Brouns, les témoins soulignent tous son patriotisme. « C'était un vrai patriote, qui s'est battu avec un pur idéal patriotique ». « Un sous-officier courageux, qui a mené des actions multiples avec une grande bravoure ».
Brouns a été reconnu à titre posthume comme prisonnier politique, résistant armé et officier de renseignement et d'action. Il est titulaire de plusieurs récompenses. Il s’est vu attribué une place sur la pelouse d’honneur des anciens combattants du cimetière de Machelen. Son nom figure également sur le monument aux morts de la commune. La Handelsstraat où Brouns habitait avec sa famille a été rebaptisée Henri Brounsstraat après la guerre. La plaque de rue actuelle mentionne de manière assez neutre « péri pendant la Seconde Guerre mondiale ».
Bibliographie
Publications
D'Hainaut, B. & C. Somerhausen, Dora 1943-1945, Berchem, EPO, 1992.
Heemkundekring Machala, Machala : tijdschrift over Machelse geschiedenis en folklore. Verschillende artikelen m.b.t. WOII, 2003
Maerten, F & N. Wouters, Was opa een held? Speuren naar mannen en vrouwen in het verzet tijdens WOII, Tielt, Lannoo, 2020.
Scholliers, P., "De massale ontruiming van de SS-gevangenissen. De transporten van 8 en 23 mei 1944 naar Buchenwald, Bijdragen tot de geschiedenis van de Tweede Wereldoorlog VI, 1980, p. 119 - 148, artikel_scholliers_1980_1.pdf.
Serrien, P., DORA. Het concentratiekamp waar de V-bommen werden gemaakt., Antwerpen, MAS, 2020, p. 2 - 9.
Strubbe, F., Geheime oorlog 40/45: de inlichtings- en actiediensten in België, Tielt, Lannoo, 1992.
Van Geet, W., De rijkswacht tijdens de bezetting 1940-1944, Antwerpen, Nederlandsche Boekhandel, 1985.
Wouters, N., Oorlogsburgemeesters, 40/44 : lokaal bestuur en collaboratie in België. Tielt, Lannoo, 2004
Archives
Papiers personnels famille Vanhaelen
Dossier personnel Agent de renseignement et d'action, CegeSoma/Archives de l'Etat.
Archives des services de renseignements et d'action, Luc-Marc - CegeSoma/Archives de l'Etat.
Dossier personnel statut de prisonnier politique, Service des Victimes de Guerre, Archives de l'Etat.
Archives du Front de l'Indépendance et des Milices patriotiques, Musée de la Résistance.
La Légion noire, consultation en ligne, La Légion Noire : Bulletin de combat contre les mauvais belges non censuré | The Belgian War Press