Avant-guerre
Dans la famille Thys, le football est une religion et le Royal Beerschot Athletic Club une deuxième maison. Enfant, Guy suit avec admiration les matchs de son père. Pendant les années 1920, Ivan Thys est la vedette du club anversois.
Lors de son douzième anniversaire, Guy peut enfin commencer à jouer au football. Conseillé par son père, le jeune joueur se débrouille bien. À 14 ans, il est sélectionné dans l’équipe provinciale des cadets.
En 1939, Guy a 17 ans et évolue dans l’équipe des scolaires. À cause de la drôle de guerre, de nombreux joueurs de l’équipe première sont mobilisés. C’est la première chance de Guy : suite au manque d’effectifs, l’attaquant vit sa première sélection en équipe première.
Les premiers matchs sont difficiles. Finalement, Guy se fait remarquer lors du match contre l’Olympic de Charleroi où le Beerschot l’emporte sur le score de huit à deux. Le jeune Thys est l’auteur de cinq buts.
La guerre finit par rattraper le football belge et la saison s’arrête brusquement le 10 mai 1940.
Départ pour la France
C’est à Guy Thys et à bien d’autres jeunes Belges que s’adresse cette affiche. Le 10 mai 1940 l’armée allemande envahit la Belgique et les jeunes sont appelés à rejoindre un Centre de Recrutement de l’Armée belge (CRAB) afin d’être formé pour devenir cadres de réserve dans la perspective d’une guerre longue. Guy décide de partir à vélo accompagné de quelques amis.
L’arrivé de la guerre brise ses espoirs d’une sélection nationale. En effet, le 29 mai, la Belgique doit affronter l’équipe des Pays-Bas. Du fait de l’absence des joueurs vedettes et de ses bonnes prestations, Guy est pressenti par la presse comme un choix potentiel. Mais l’attaquant devra encore attendre 12 ans avant qu’une telle occasion ne se présente à nouveau.
Finalement, le voyage de Guy dure douze jours. Rapidement rattrapé par l’avance allemande, le jeune homme rentre à Anvers où il essaye, tant bien que mal, de reprendre sa carrière footballistique.
Le sport avant tout
Durant l’Occupation, Guy Thys continue de jouer au football. Les conditions sont parfois difficiles mais la compétition sportive reprend rapidement. Le sport, et notamment le football, est très populaire. La population y voit un échappatoire à un quotidien difficile et l’occupant un moyen pour garantir l’ordre public.
Commissariat général à l’Education physique et aux Sports
Peu après le début de l’Occupation, certains partisans de l’Ordre nouveau œuvrent pour la mise en place d’un organisme central pour organiser la vie sportive : un Commissariat général à l’Education physique et aux Sports. Cette institution ne devient réalité qu’en juin 1943. Pierre Daye, ancien député rexiste et journaliste au Nouveau Journal (quotidien d’Ordre nouveau), en prend la tête. Les opposants à ce projet sont nombreux. Ils critiquent la nouvelle institution, l’orientation politique et les capacités sportives de son directeur. Son plus vif adversaire est le Comité national d’Education physique et le Comité olympique belge (CN/COB) dont dépend l’URBSFA (L’Union royale belge des Sociétés de Football Association). Les deux organismes entrent rapidement en conflit ouvert. L’issue est défavorable au Commissariat qui assure un rôle très minime à partir de novembre 1943.
En tant que joueur de l’équipe première, Guy est amené à côtoyer les Allemands. Ces derniers assistent parfois aux matchs. Les occupants proposent même des matchs amicaux aux équipes belges. Guy refuse de participer à de telles rencontres.
Jouer pendant l’occupation
Le championnat de football reprend dès 1940. Toutefois, un championnat national est rendu impossible du fait de la guerre. La Fédération organise une compétition provinciale où s’affrontent les différentes équipes de la région.
La situation se régularise la saison suivante (1941-1942) et le championnat national avec des divisions par niveau, reprend. Pour Guy, c’est une année en demi-teinte. La plupart des joueurs mobilisés en 1939 sont revenus et il se retrouve souvent sur le banc des réservistes.
L’attaquant décide de quitter momentanément le club familial pour le Daring de Bruxelles. Cette équipe de division II lui permet de jouer plus et de continuer à évoluer. Guy revient l’année suivante au Beerschot; une bonne année pour le club anversois qui termine troisième du championnat.
Cette saison est la dernière compétition durant la guerre. En effet, la Libération, l’instabilité du pays et les bombardements ont raison de la saison 1944-1945
Le statut privilégié des sportifs
Grâce à son statut de sportif professionnel, Guy bénéficie de quelques avantages. Le plus grand privilège est sans aucun doute celui de pouvoir éviter le travail obligatoire.
À partir d’octobre 1942, l’occupant allemand instaure le travail obligatoire. Les jeunes hommes doivent aller travailler dans les usines allemandes afin de combler le manque de main-d’œuvre. Les sportifs professionnels en sont exempté. Les Allemands prennent en considération la popularité du sport et son rôle dans le maintien de l’ordre public.
Guy Thys, Joueur de football : « Nous donnions un certains spectacle pour le public » (Jours de guerre, 29/09/1992, RTBF)
Afin de s’assurer de ne pas partir, Guy prend une série de précautions supplémentaires. En été, lorsque la saison de football est terminée, il participe à des courses cyclistes afin de conserver une occupation sportive. Ensuite, pour se protéger, le joueur est inscrit comme travailleur dans une entreprise œuvrant pour la restauration des chemins de fer pour les Allemands. Le patron, fan du Beerschot, l’a inscrit comme membre de son personnel. L’usine est située à La Louvière et il faut signer le registre de présence chaque semaine. Guy fait l’aller-retour depuis Anvers à vélo.
Guy Thys, Joueur de football : « J'ai vécu caché de début mai 44 jusqu'à la Libération» (Jours de guerre, 29/09/1992, RTBF)
Finalement, en 1944, la situation se complique. Le championnat se termine en avril et l’Allemagne devient de plus en plus intransigeante sur le travail obligatoire. Guy doit se présenter pour un départ imminent. Le jeune homme refuse et se cache durant trois mois. L’occupant est à sa recherche mais sans succès. À la Libération, Guy peut enfin sortir au grand jour. Après-guerre, le jeune Thys poursuit sa carrière de joueur professionnel. D’abord sur le terrain, il devient ensuite l’entraineur qui mènera les Diables rouges à leur sommet.
Bibliographie
Thys, Guy. Guy Thys : De L’enfer Au Paradis. S.l.: De Vlijt, 1990.
Strobbe, Karel, Pieter Serrien, and Hans Boers. Van Onze Jongens Geen Nieuws : De Dwaaltocht van 300.000 Belgische Rekruten Aan Het Begin van de Tweede Wereldoorlog. Antwerpen: Manteau, 2015.