Oswald Van Ooteghem, un jeune Flamand de dix-sept ans, part plein d'enthousiasme pour le front de l'Est avec cinq cent autres volontaires. Il va y combattre pour les Allemands mais surtout, selon lui, pour la Flandre.
Oswald Van Ooteghem: départ
Institution : Historische Huizen Gent
Collection : Exposition "Gekleurd Verleden. Familie in oorlog"
Droits d'auteur : Historische Huizen Gent
Une éducation nationaliste flamande
Oswald Van Ooteghem, né en 1924 (décédé en 2022), grandit dans les années trente dans un environnement flamingant. Son père, son héros, milite au Vlaams Nationaal Verbond (VNV). Sa mère est dirigeante du Vlaamse Meisjesbond à Gand. À dix ans, Oswald adhère aux Dietse Blauwvoetvendels, l'organisation de jeunesse du VNV. Il a sept ans environ quand la police vient, un matin, arrêter son père pour sa participation à une manifestation violente à Enghien. La scène restera gravée dans sa mémoire.
Tout petit, Oswald baigne dans le 'combat flamand'. Il n'en doute pas : l'histoire de sa collaboration a commencé dès avant la guerre. Il est persuadé que le milieu où il grandit est représentatif de la Flandre toute entière. Pourtant, ce milieu antibelge, nationaliste flamand est relativement restreint. Il n'est même pas représentatif du mouvement flamand dans son ensemble. Oswald, bien jeune encore, voit les choses autrement. Quand il défile à Bruxelles le jour de son départ pour le front de l'Est, il a le sentiment que les spectateurs applaudissent. D'autres témoins jugent l'atmosphère étouffante et notent la distance considérable qui existe entre les jeunes recrues et le public. Les perceptions tout comme les souvenirs personnels peuvent différer.
Sur le front de l'Est
Oswald reçoit, à Debica en Pologne, une formation très dure. Quelques mois plus tard, il est envoyé sur le front de Leningrad avec la Légion Flamande. Contrairement aux Russes, les jeunes Flamands ne sont pas habitués aux températures extrêmement basses. Certains jours, le thermomètre marque -52 degrés centigrades. Très vite, les orteils d'Oswald gèlent dans ses bottes non fourrées de soldat. Il en souffrira pendant toute sa vie.
À Weshky-Semptitz, la jeune recrue échappe de peu à la mort. Lors d'une attaque, un soldat russe surgit tout à coup derrière lui et le met en joue. Un camarade d'Oswald tire le premier, et le soldat meurt sur le coup.
En juin 1942, Oswald suit une formation à Berlin pour devenir correspondant de guerre. Il doit retourner à Leningrad où il se retrouve au milieu de combats féroces. Pendant septante-deux heures, caché dans un bois, il est soumis à un bombardement incessant. Il est touché par des éclats de grenade à la cuisse gauche, à la joue gauche et à l'épaule gauche. Mais la chance lui sourit et il survit. Son camarade (sur la photo à droite), lui, est touché à mort et décède à ses côtés.
À la fin de sa mission de correspondant de guerre, Oswald est rappelé en novembre 1943 pour entrer à l'école des officiers. Il part une dernière fois pour le front, cette fois sur le front de l'Oder en tant qu'officier du bataillon de jeunes Flamands, le Vlaams Jeugdbataljon.
La cause est perdue
Oswald Van Ooteghem - la cause est perdue
Institution : Historische Huizen Gent
Collection : Exposition "Gekleurd Verleden. Familie in oorlog"
Droits d'auteur : Historische Huizen Gent
La situation n'est plus tenable et Oswald dissout son unité. Il parvient à s'échapper à travers les lignes russes jusqu'en Allemagne, où il se débarrasse de son uniforme pour enfiler des vêtements civils. Il y plonge dans la clandestinité sous le nom de Hans Richter, et épouse une Allemande. Après quelques années, il finit malgré tout, sur l'insistance de sa mère, par se rendre. En Belgique, il est condamné à trois ans de réclusion et se retrouve emprisonné à Gand avec son père et Hendrik Elias. Son père y décède en 1962.
Après un an, Oswald bénéficie d'une libération anticipée. Dans les années cinquante, il adhère à la Volksunie, un parti nationaliste flamand. Il siège pour ce parti dans les années soixante, septante et quatre-vingt comme conseiller provincial de Flandre orientale, conseiller communal à Gand, sénateur pour l'arrondissement de Gand-Eeklo au Sénat de Belgique, au Cultuurraad et au Vlaamse Raad, l'ancêtre de l'actuel Parlement flamand.
C'était pour la Flandre
La collaboration nationaliste flamande est souvent définie comme un combat pour 'la Flandre'. La mémoire individuelle est sélective, mais le souvenir collectif, lui aussi, est empli de mythes, de clichés et de semi-vérités. Il existe en effet beaucoup d'autres raisons de collaborer que le seul 'combat flamand'. Tous les collaborateurs soutiennent le pouvoir allemand, comme Oswald sur front de l'Est.
Après la libération, les collaborateurs militaires comme Oswald se voient bien souvent présenter une addition salée. Mais très vite, les autorités belges évoluent en direction d'une large politique de clémence, qui permet à Oswald d'être libéré après une année seulement. En outre, en Flandre, les collaborateurs sont très vite réintégrés à la société. Les anciens du front de l'Est ne manquent pas de souligner qu'ils se sont battus contre le bolchevisme. Pendant la Guerre froide, leurs affrontements avec l'Armée rouge de Staline leur vaut même une certaine sympathie. Dans les milieux flamingants, un mythe prédomine : celui d'une Flandre collaborationniste qui a conclu de mauvaises alliances dans l'intérêt du peuple flamand.
Bibliographie
De Wever, Bruno, Martine Van Asch, and Rudi Van Doorslaer, eds. “Getuigenis Oswald Van Ooteghem.” In Gekleurd Verleden: Familie in Oorlog, 118–25. Tielt: Lannoo, 2010.
De Wever, Bruno. “Het Was Voor Vlaanderen. Voor Vlaanderen, Zeg Ik U.” In Gekleurd Verleden: Familie in Oorlog, edited by Bruno De Wever, Martine Van Asch, and Rudi Van Doorslaer, 126–32. Tielt: Lannoo, 2010.