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Bataille des Ardennes - 8 janvier 1945 - Fin de la "seconde bataille" de Bastogne

Thème - Histoire militaire

Auteur : Colignon Alain (Institution : CegeSoma/Archives de l'État)

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Pour l’immense majorité du public intéressé par la « bataille des Ardennes », les choses se terminent le 26 décembre 1944, lorsqu’en fin d’après-midi les premiers éléments de la 4ème division blindée U.S. parviennent à rompre l’encerclement et à établir le contact avec les unités américaines qui défendent la ville depuis quelques jours. Les plus férus d’histoire militaire situent plutôt pour leur part le renversement de la situation au petit matin du 24 décembre dans le village de Celles, à 6 kms de Dinant, lorsqu’un Panther de la 2ème Panzerdivision vient buter sur une mine alliée et stopper la colonne blindée qui le suit…et qui, de fait, n’a pas été plus loin. D’autres encore considèrent que les derniers espoirs des nazis pour atteindre la Meuse et franchir le fleuve se sont en fait envolés dès la veille avec la dispersion des nuages et le retour du beau temps, qui ont permis à l’aviation alliée de « matraquer » les divisions ennemies peu ou prou engluées sur les routes ardennaises. Mais en tournant aussi rapidement la page du « dernier coup de dé d’Hitler » à l’Ouest, on oublie que les pires combats ont en fait continué à se dérouler à proximité immédiate de Bastogne, pratiquement jusqu’au cœur du mois de janvier 1945, et ce dans des conditions climatiques éprouvantes qui ont à jamais marqué les survivants.

La volonté du Führer…


Sachant la partie définitivement perdue pour ce qui est de la traversée de la Meuse et de la reconquête d’Anvers, Adolf Hitler souhaite obtenir à tout le moins sinon une revanche du moins une consolation morale par la conquête de la ville de Bastogne. Les défenseurs de celle-ci ne sont-ils pas devenus des icônes médiatiques par la grâce de la presse et des radios alliées en passant pour avoir perturbé gravement le bon déroulement de l’offensive nazie par leur résistance acharnée. C’est certes quelque peu exagéré, mais « Bastogne » passe au regard de l’opinion américaine pour le sommet de l’héroïsme et du sacrifice: sa chute porterait au moins un coup au moral des puissances alliées tout en donnant du grain à moudre à la propagande allemande…

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Institution : KBR
Légende d'origine : La Meuse, 29 décembre 1944, p. 1

En conséquence, dès le 27 décembre, Hitler donne l’ordre de prendre la ville à tout prix. Pour ce faire, il est décidé de renforcer la Vème Panzerarmee en rameutant du flanc nord de la « poche » la 3ème Panzergrenadier-Division. On y ajoute les divisions SS Hitlerjugend et Hohenstauffen. En outre, une 340ème division de Volksgrenadiere et ce qui subsiste de la SS-Leibstandarte Adolf Hitler viennent à la rescousse de la 26ème Volksgrenadiere du général Kokott, déjà passablement usée par le siège. En tout, pas moins de neuf grandes unités nazies sont engagées dans les environs immédiats de Bastogne. Elles sont appuyées par environ 300 pièces d’artillerie. Face à elles, la garnison de la ville (essentiellement la 101ème Airborne) a été renforcée par le 3ème Corps de l’Armée Patton, avec sa 4ème division blindée et sa 38ème division d’infanterie…en attendant mieux.

Une attaque brutale, mais qui s’enlise vite

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Institution : KBR
Légende d'origine : La Meuse, 11 janvier 1945, p. 1
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Institution : CegeSoma/Archives de l'Etat
Collection : [Belgian Military Mission] [Fonds J.Devos]
Légende d'origine : U.S. Soldiers March German Prisoners to the Rear. Men of the Ninth Infantry Division, First U.S. Army, march a seemingly endless line of German troops, captured at Dreiborn, Germany, to the rear. In December, 1944, and January, 1945, German losses totalled 220,000, of whom 110,000 were taken prisoner, in the Ardennes salient. By February 1, 1945, the Allied forces had recovered all ground lost during the early days of the futile enemy offensive. U.S. Signal Corps Photo ETO-HQ-45-11644. Serviced by London OWI (Inner Full). Certified as passed by SHAEF censor.

Le 29 décembre, le dispositif allemand se trouve à peu près en place, avec pour objectifs immédiats les villages de Lutrebois, Livarchamps et Villers-la-Bonne-Eau, mais les Américains ont repéré le renforcement du front ennemi juste avant une nouvelle dégradation du temps. Le 30 décembre, lorsque démarre la nouvelle offensive, les Allemands sont attendus de pied ferme. Les Volksgrenadiers sont rapidement taillés en pièces par l’artillerie de la 4ème division blindée U.S., mais les Waffen-SS parviennent malgré des pertes substantielles à s’emparer de Lutrebois. Mais ils ne peuvent pousser plus avant, écrasés qu’ils sont par l’artillerie et les chasseurs-bombardiers américains. Plus à l’ouest, vers Sibret, la poussée allemande se révèle plus importante, parvenant à s’emparer de Chenogne. Mais ces progrès demeurent très relatifs. Le front allié ne cède finalement peu de terrain, et le recul n’empêche pas le 3ème corps d’armée U.S. d’intervenir au nord de Bastogne pour attaquer en direction de Houffalize. Les jours suivants, d’autres petites localités (Bizory, Neffe, Mageret) tombent entre les mains allemandes mais la progression ennemie ralentit peu à peu malgré l’arrivée de nouveaux éléments de la Leibstandarte, d’une 12ème SS-Panzerdivision, d’une 340ème division de Volksgrenadiers… 

Un ultime effort germanique permet cependant le 5 janvier 1945 à la Hitlerjugend de prendre le contrôle des bois sur les hauteurs de Bizoru et de se retrouver à moins de 4 kilomètres du cœur de Bastogne. Elle ne va pas plus loin, malgré de nouvelles velléités offensives le jour suivant. Les nazis jettent alors l’éponge. Tandis que les conditions climatiques deviennent de plus en plus médiocres (fortes chutes de neige et gel intense)), les divisions Hohenstaufen et Hitlerjugend, fort érodées, sont retirées du front. C’est un aveu d’échec.

Entérinant la dégradation de la situation sur l’ensemble du front, Hitler consent le 8 janvier au repli de ses forces d’assaut sur la ligne Dochamps-Longchamps, avant d’autoriser une semaine plus tard une retraite plus générale mais progressive sur les positions de départ de l’Offensive. A ce moment, la seconde « bataille de Bastogne » est achevée. Elle n’a pas permis la moindre progression mais a contribué à endommager de paisibles villages du pays de Bastogne, bien plus que la ville elle-même et à ruiner les dernières espérances d’un dictateur de plus en plus aux abois.



Bibliographie

Philippe GUILLEMOT, La bataille des Ardennes. La dernière chimère de Hitler, Paris, Perrin, 2024.

Joss HEINTZ, Dans le périmètre de Bastogne (Edition enrichie), Bastogne, Le Musée de Piconrue, 2004.

Peter SCHRIJVERS, De grootste slag om de Ardennen, Antwerpen, Manteau, 2014.

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