Belgique en guerre / Articles

Rencontre de Berchtesgaden

Thème - Collaboration

Auteur : Kesteloot Chantal (Institution : CegeSoma/Archives de l'État)

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A l’heure où le gouvernement belge s’est peu à peu reconstitué à Londres et entend poursuivre la guerre aux côtés des Alliés, Léopold III est resté en Belgique occupée. Officiellement, il est prisonnier de guerre et ne peut exercer la moindre action politique. Le gouvernement a, lui, clairement fait connaître, à la BBC sa volonté de poursuivre la lutte aux côtés des Alliés en y associant la colonie et ce qui reste de l’armée belge. Dans le même temps, il a été rappelé sur les ondes britanniques que le roi est dans l’impossibilité de régner. Néanmoins, le 19 novembre 1940, le roi rencontre Hitler à Berchtesgaden. C’est Léopold III qui est à l’origine de cette entrevue. Sa sœur, la princesse Marie-José, épouse de l’héritier du trône d’Italie, en a transmis verbalement la requête à Hitler un mois plus tôt. Néanmoins, dès fin mai 1940, des émissaires venant de Berlin avait fait part au roi de la volonté d’organiser cette rencontre. Initialement, elle aurait dû se tenir sur le territoire belge, à Yvoir, où Hitler était effectivement présent le 25 octobre. Elle se tiendra donc finalement dans les Alpes bavaroises, dans le lieu de villégiature du Führer. 

De quoi a-t-il été question ?

Le roi quitte Bruxelles le 17 novembre en compagnie du comte Capelle, son secrétaire personnel, du vicomte Davignon, l’ambassadeur de Belgique à Berlin, du général Van Overstraeten, son conseiller militaire et de Werner Kiewitz, l’adjudant permanent du Führer auprès du roi ainsi que sa secrétaire. Des agents de la Gestapo escortent le convoi.

L’entretien proprement dit a lieu le 19 dans le bureau du Führer dans sa résidence de Berghof. Ils sont trois autour de la table : Hitler, Léopold III et l’interprète Paul Schmidt. Le reste de la délégation reste dans le salon pendant la rencontre. Plusieurs questions sont abordées : le ravitaillement, l’allègement des charges d’occupation, la demande de libération des prisonniers de guerre (wallons) encore en captivité mais aussi le souhait formulé par le souverain belge de créer un conseil économique dont la composition serait choisie par le collège des secrétaires généraux. A-t-il également été question du Congo et de l’indépendance de la Belgique ? Les sources sont contradictoires mais il semble établi que le sujet a bel et bien été évoqué à l’initiative du roi. Dans les faits, l’entretien, qui a duré un peu plus de deux heures, de 15 h à 17 h 49, n’aboutit à rien de tangible. Le lendemain, la délégation repart et rentre à Bruxelles le 21 en début d’après-midi.

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Institution : CegeSoma
Droits d'auteur : Droits Réservés
Légende d'origine : Léopold III Berchtesgaden (+ Meissner)

Montoire – Berchtesgaden : des styles et des contextes différents

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Institution : CegeSoma/Archives de l'Etat
Droits d'auteur : Droits réservés
Légende d'origine : Meissner, Léopold III et Kiewitz à Berchtesgaden, 18-20 nov. 1940.

La rencontre a lieu moins d’un mois après l’entrevue de Montoire au cours de laquelle le Führer a rencontré le Maréchal Pétain. Mais contrairement à cette dernière qui a fait l’objet de gros titres dans la presse française assorti d’un reportage photographique et a généré un discours radiophonique de la part de Pétain, la rencontre de Léopold III est passée sous silence à l’époque alors même que la presse fait grand cas de la visite à Berchtesgaden, la veille, le 18 novembre, du comte Ciano, ministre des Affaires étrangères italien et de son homologue espagnol Ramón Serrano Súñer. Mais rien ne filtre sur la visite du souverain belge. Seules quelques personnalités ont eu vent de l’entretien. Dans son journal de guerre, l’avocat Paul Struye, toujours bien informé, évoque la rencontre et l’inquiétude qu’elle suscite : « Mal dormi, comme, sans doute la plupart de ceux qui sont au courant du voyage du Roi » note-t-il à la date du 21 novembre 1940. A Londres aussi, quelques personnes sont informées de la rencontre. Elle est en tous les cas révélatrice d’un certain état d’esprit : elle démontre que le roi ne semble alors guère croire à une victoire alliée et qu’il trouve légitime d’agir seul, sans l’aval du gouvernement avec lequel il a rompu. Symboliquement, il accepte également de se rendre en Allemagne…

A l'heure de la Question royale

A l’été 1945, l’information est connue du grand public et suscite de nombreuses questions. Cette rencontre peut-elle être considérée comme un geste politique ? Que s’est-il réellement dit ? Qui a pris l’initiative ? Chaque camp alimente sa version des faits puisqu’il n’existe aucun compte rendu officiel, ni de protocole signé par les deux parties. L’entretien est demeuré secret, il n’y a pas non plus de communiqué de presse. Cette carence en matière de sources nourrit bien évidemment les divergences d’interprétations et les controverses liées à la Question royale mais ne bouleverse pas fondamentalement les points de vue. Le pays est d’ores et déjà profondément divisé sur la question du retour du roi. 

Bibliographie

De Jonghe, Albert, “Berchtesgaden (19 november 1940): voorgeschiedenis, inhoud en resultaat” in Res publica : tijdschrift voor politieke wetenschappen 1, no. 20 (1978), 41–54.

De Jonghe, Albert, Hitler en het politieke lot van België (1940-1944). De vestiging van een Zivilverwaltung in België en Noord-Frankrijk: Koningskwestie en bezettingsregime van de kapitulatie tot Berchtesgaden (28 Mei-19 november 1940), Antwerpen, Nederlandsche boekhandel, 1982.

Van Overbeke, Un dîner avec le diable, s.d., https://dial.uclouvain.be/pr/b...

Velaers, Jan en Van Goethem Herman, Leopold III : De Koning, Het Land, de Oorlog, Tielt, Lannoo, 1994.

 
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Auteur : Kesteloot Chantal (Institution : CegeSoma/Archives de l'État)
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