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Institution : CegeSoma/Archives de l'Etat
Légende d'origine : Steeds Vereenigd - Unis Toujours, n°9, sept. 1941
Belgique en guerre / Articles

Steeds Vereenigd - Unis Toujours

Thème - Résistance

Auteur : Mortier Manon

Bien que la majorité des journaux clandestins belges soient francophones, un certain nombre de journaux néerlandophones se sont également développés avec succès pendant la Seconde Guerre mondiale. Parmi eux, le journal anversois Steeds Vereenigd - Unis Toujours, créé par les frères Crutzen et, à partir de 1942, porte-parole du mouvement de résistance de la Witte Brigade

Les frères Crutzen

L'imprimeur Victor Crutzen, 36 ans, et son frère Charles, 40 ans, pharmacien de profession, ont diffusé le premier numéro de leur journal clandestin Steeds Vereenigd - Unis Toujours en janvier 1941. Ce n'était cependant pas le premier acte de protestation des deux frères à l’encontre de l'occupant allemand. Dès fin mai 1940, ils ont en effet distribué un premier tract. Cette précocité exceptionnelle est liée à l'héritage de la Première Guerre mondiale. Les frères sont originaires d'Aubel, une commune de la province de Liège durement marquée par la guerre. Les Crutzen, une famille catholique, y ont perdu pas moins de 14 de leurs membres. À partir de juin 1940, un certain nombre de personnes partageant les mêmes idées se joignent aux deux frères. Sous le nom de "Club Bezet" (club occupé), ils ont mené des actions de résistance non violentes, comme la diffusion de caricatures, de tracts ou de faux papiers d'identité.

 

Victor Crutzen a imprimé le premier numéro du journal clandestin bilingue chez son imprimeur Morvic, à Borgerhout. Avec le titre Steeds Vereenigd - Unis Toujours, l’objectif est de s'adresser au plus large public possible. Après une perquisition liée à de faux tickets de rationnement, les frères ont dû trouver un autre imprimeur. Ils se sont retrouvés chez Leon Ceulemans, un entrepreneur de pompes funèbres possédant une petite imprimerie. C’est lui qui a imprimé les 10 numéros suivants du journal, ayant chacun un tirage de 500 à 4 000 exemplaires. En novembre 1941, les deux frères sont arrêtés et condamnés, une arrestation qui n’est pas liée au journal clandestin. Charles Crutzen meurt dans une prison allemande à Siegburg en avril 1942 ; Victor survit à la guerre et est libéré à Bonn en 1945.

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Institution : CegeSoma/Archives de l'Etat
Légende d'origine : Steeds Vereenigd - Unis Toujours, n°3, avril 1941

Sous les auspices de la Witte Brigade

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Institution : Cegesoma
Légende d'origine : Marcel Louette (détail), s.d. (1945)

Après l'arrestation des deux frères, le mouvement de résistance Witte Brigade prend le relais. À sa tête se trouve Marcel Louette (1907-1978), un enseignant de tendance libérale et officier de réserve. Il est probable qu’il était déjà impliqué dans le journal clandestin depuis un certain temps et qu’il a pris la relève en tant que porte-parole de son mouvement de résistance.

La Witte Brigade a été officiellement créée à la date symbolique du 21 juillet 1940 et est issue de la Jonge Geuzenwacht, une association de jeunesse libérale dont Louette était le président. Le mouvement de résistance anversois a pu s'étendre en Brabant flamand et en Flandre orientale pendant l'occupation. Après la guerre, plus de 3 750 membres seront reconnus. Ils sont principalement issus des classes moyennes urbaines. En plus des enseignants et des fonctionnaires, de nombreux policiers ont également rejoint le mouvement à partir de 1941. Outre la collecte de renseignements et l’aide aux réfractaires et aux pilotes alliés, la Witte Brigade diffuse désormais aussi le journal clandestin Steeds Vereenigd - Unis Toujours.


 

En 1942, les activités de la Witte Brigade s'intensifient. Le mouvement réussit à recueillir des renseignements militaires et à les transmettre à Londres. Steeds Vereenigd – Unis Toujours paraît de façon régulière. Mais la Witte Brigade a également souffert. Marcel Louette lui-même a été contraint d’entrer dans la clandestinité le 23 juin 1942. Entre l'automne 1943 et le printemps 1944, les arrestations - dont celle de Louette le 9 mai - empêchent la Witte Brigade de mener des opérations de sabotage. Même pendant la libération de la ville et du port d’Anvers, le mouvement n'a pas pu jouer le rôle qu'il espérait. Libéré du camp de concentration de Sachsenhausen-Oranienburg, Louette, alias "Fidelio", n'est rentré à Anvers qu'en juillet 1945.

Des rédactions différentes, des journaux différents ?

La forme et le contenu des journaux ont été très différents sous les deux rédactions. Sous la direction des frères Crutzen, Steeds Vereenigd – Unis Toujours est imprimé et paraît une fois par mois. Il contient des articles en français et en néerlandais. L'objectif principal de ses initiateurs est d'améliorer le moral du public. Le ton est clairement patriotique. Comme les autres clandestins, il prend pour cible la presse censurée et les collaborateurs. Il publie ce que l’on appelle des listes noires qui répertorient les noms des collaborateurs (présumés) de la région. "Ces personnes ne peuvent plus jamais être appelées belges et vous devez les garder à l'esprit, afin qu'elles n'échappent pas à leur châtiment, le jour de la libération", peut-on lire dans le message adressé aux lecteurs du journal clandestin. Aux yeux des frères Crutzen, le journal est censé être un "symbole de la solidarité de tous les Belges", pour "dépasser le chaos" et donner une "ligne directrice pour l'avenir". Ils demandent à leurs lecteurs un soutien financier et moral : "Aide à abattre la moralité des traîtres. Aidez les sceptiques à croire en la cause belge".

Sous les auspices de la Witte Brigade, Steeds Vereenigd – Unis Toujours est, en principe, un hebdomadaire, bien qu'il paraisse de manière très irrégulière. Les numéros comptent en moyenne deux pages et paraissent sous forme de stencils car le mouvement n’a pas trouvé d'imprimeur. Les listes noires y occupent une place considérable, laissant peu de place à d’autres informations. Bien que le mouvement de résistance soit issu d'un milieu libéral, Steeds Vereenigd – Unis Toujours n'est pas représentatif de la pensée "libérale" de l'époque. En effet, la Witte Brigade a rapidement compté des membres issus de diverses tendances idéologiques.

 

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Institution : CegeSoma/Archives de l'Etat
Légende d'origine : Steeds Vereenigd - Unis Toujours, n°9, sept. 1941
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Institution : CegeSoma/Archives de l'Etat
Légende d'origine : Steeds Vereenigd - Unis Toujours, 1er novembre 1942

Une reconstruction chaotique

 

Entre mars 1941 et mai 1944, Steeds Vereenigd - Unis Toujours est apparu à 80 reprises ; 47 numéros ont été conservés. Il y a à chaque fois un numéro de série, mais pas de date ou de mois de publication. Il n'est donc pas facile de savoir exactement quand les journaux ont été distribués. Dans son mémoire de licence sur la presse clandestine anversoise, Gert De Prins a fait une estimation des périodes probables de parution des numéros. Il s'est basé sur le contenu des journaux, qui font souvent référence à certaines commémorations ou événements de guerre.

Ainsi, nous savons qu'après l'arrestation des frères Crutzen, aucun numéro n'est paru entre fin 1941 et début 1942. Durant l'été et l'automne 1942, le clandestin reparaît sous les auspices de la Witte Brigade. Il y a eu une autre courte pause en décembre, suite à une vague d'arrestations dans le mouvement. En 1943, Steeds Vereenigd – Unis Toujours paraît de manière assez régulière, avec deux à trois numéros par mois. En raison de nouvelles arrestations, une troisième pause s’en suit, de fin 1943 à février 1944. Elle est suivie d’une impressionnante reprise avec sept numéros au mois d'avril, selon les recherches de Gert De Prins. Enfin, le dernier numéro est paru en mai 1944, après l'arrestation de Louette.

 Entre 1945 et 1958, le journal devient l’organe de la Witte Brigade. Sa parution n’est bien évidemment plus clandestine. 

Bibliographie

Maerten, Fabrice, dir. Papy était-il un héros ? Sur les traces des hommes et des femmes dans la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale, Bruxelles, 2020.

Gert De Prins. “Sluikpers Antwerpen, 1940-1944”, licentiaatsverhandeling, Universiteit Gent, 2004.

Jan Laplasse. “De broers Crutzen in Antwerpen: een casestudy over de clandestiene pers in 1940-1941,” in Tegendruk. Geheime pers tijdens de Tweede Wereldoorlog, eds. Bert Boeckx,

Gert De Prins en Bruno De Wever, Antwerpen, Amsab-ISG en CegeSoma, 2004.

José Gotovitch. Guide de la presse clandestine de Belgique, Bruxelles, Centre de Recherches et d'Etudes historiques de la Seconde Guerre mondiale, 1991.

Lieven Saerens. Vreemdelingen in een wereldstad: een geschiedenis van Antwerpen en zijn Joodse bevolking (1880-1944). Tielt: Lannoo, 2000.

Steeds Vereenigd - Unis Toujours, pour la collection complète, voir https://warpress.cegesoma.be/f...

 

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Pour citer cette page
Steeds Vereenigd - Unis Toujours
Auteur : Mortier Manon
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