Le 11 avril 1945, des soldats américains du 9th Armored Infantry Battalion arrivent au camp de concentration de Buchenwald. Quelques heures plus tôt, celui-ci a été « libéré » par le « Comité international », une structure clandestine composé de détenus de diverses nationalités. Entendant des tirs proches, les détenus sont passés à l’action et ont réussi à emprisonner les SS encore présents sur les lieux. Vers 17 h arrivent sur place les premiers officiers de liaison américains. La petite centaine de SS ont déjà été mis hors d’état de nuire. Dans les jours qui ont précédé, des structures clandestines particulièrement organisées ont préparé ce moment. La tension est particulièrement vive. Une partie des détenus ont été évacués le 3 avril Restent sur place environ 21.000 prisonniers.
Le camp de Buchenwald
Pas moins de 250.000 personnes ont été détenues à Buchenwald, un camp ouvert dès juillet 1937 à proximité de Weimar. À l’origine, on y trouve surtout des Allemands mais, à partir de 1942, ils sont rejoints par d’autres nationalités : Polonais, Russes, Tchèques… Plus d’un cinquième des détenus n’ont pas survécu à leur détention. Les Belges sont majoritairement arrivés en 1943-1944 ; quelques-uns dès 1940. Les premiers sont soit des travailleurs volontaires en rupture de contrat, soit des requis au travail obligatoire. Il s’agit alors de détentions décidées en guise de sanctions ; certains de ces détenus seront libérés. C’est par la suite qu’arrivent l’essentiel des détenus dits « politiques », majoritairement des communistes et des socialistes. Plus de 3.000 Belges sont déportés à Buchenwald entre mai et août 1944. Ils arrivent majoritairement de Breendonk et de la prison de Saint-Gilles.
Au total, 5.745 Belges y ont été détenus. Aux personnes déjà arrivées dans le camp s’ajoutent, entre janvier et mars 1945, des milliers d’autres, évacuées d’autres camps dont Auschwitz-Birkenau ou Gross-Rosen.

Collection : Camp de concentration de Buchenwald (Allemagne) : vues du camp, [1945].
Légende d'origine : Buchenwald 1945
À l’origine du Comité international

Collection : Algoet
Légende d'origine : Membres du comité belge. A l'arrière, de gauche à droite: Bert Van Hoorick, Jacques Grippa, Jean Mardulyn, Alphonse Bonenfant et Marcel Meunier. Devant, de gauche à droite: Georges Hebbelinck, Gaston Hoyaux et Henri Glineur
Le Comité international qui va libérer le camp a vu le jour dès 1943. On y retrouve des détenus de toutes tendances et de toutes nationalités. Il chapeaute de fait des comités nationaux. Dans les faits, il tente tout à la fois d’organiser des actes de sabotage et de transmettre de l’information ou encore de faire entrer clandestinement des armes dans le camp. Celles-ci leur sont fournies par des déportés pour le travail obligatoire. C’est parmi les derniers Belges arrivés au printemps et à l’été 1944 que se trouvent les membres belges du comité, essentiellement des socialistes et des communistes. Parmi eux, il y a notamment les militants communistes Jacques Grippa, Henri Glineur et Bert Van Hoorick, ainsi que le socialiste Gaston Hoyaux. Après avoir emprisonné les SS restés sur place, le Comité conserve la direction du camp jusqu’au 13 avril. Parmi les quelque 21.000 détenus encore sur place, on compte 622 Belges. Dans le « Petit camp », particulièrement insalubre, il reste 904 enfants originaires d’Europe de l’Est. Ils ont survécu à la guerre grâce à l’aide des autres détenus.
Des rapatriements qui tardent
Une fois le camp libéré, les premiers Belges arrivés sur place, le 13 avril, sont des correspondants de guerre : le journaliste Paul Lévy – un ancien détenu de Breendonk – et le photographe et cinéaste Raphaël Algoet. C’est le premier reportage sur le camp. Trois jours plus tard, ils documentent également la visite forcée de la population des environs. Ils rapatrient deux premiers détenus : le procureur du roi Lucien Van Beirs qui a tenté de s’opposer aux autorités d’occupation et l’avocat, résistant et futur sénateur communiste Jean Fonteyne.
En attendant leur rapatriement, les détenus belges s’organisent et créent, dès le 17 avril, ce qui deviendra l’Amicale des Prisonniers politiques belges de Buchenwald. La première assemblée générale se tient à Bruxelles dès le 19 août 1945. Henri Glineur, député communiste, en devient le premier président. Toujours sur place, les détenus prononcent ce qu’ils appellent le « serment de Buchenwald » dans lequel ils remercient les Alliés tout en prônant l’écrasement définitif du nazisme et l’aspiration à vivre dans un monde de paix et de liberté.
La Belgique souhaite envoyer au plus vite sur place une mission du Commissariat belge au Rapatriement. Cette instance a été créée à Londres en juin 1944 et sa direction confiée à l’ancien Premier ministre Paul Van Zeeland. Mais priorités humanitaires et priorités militaires ne font pas toujours bon ménage. Les rapatriements de masse ne débutent finalement que fin avril. Les ex-détenus sont emmenés par camion à l’aéroport de Nohra, à une quinzaine de kilomètres. Mais l’attente est encore longue et certains n’y survivent pas. Des malades et personnes affaiblies sont hébergés dans des hôpitaux et des hôtels des environs. Le dernier avion ne rallie Evere que le 7 mai.

Légende d'origine : Mission en Allemagne dirigée par Walter Ganshof van der Meersch, photos prises par son frère François-Louis : Mission Van Zeeland à Weimar [ ], 1/5/1945



Collection : Algoet
Légende d'origine : Jean Fonteyne, rapatrié de Buchenwald, dans les bras de sa fille à son retour en Belgique
Un écho médiatique important
Contrairement au silence de la presse dans les semaines qui ont suivi la libération d’Auschwitz, les journaux belges publient de nombreux témoignages et articles sur le camp de Buchenwald. L’information commence à circuler à partir des 16 et 17 avril. C’est Le Drapeau rouge, l’organe quotidien du Parti communiste, qui est le premier à l’évoquer. Quelques jours plus tard, on la retrouve dans l’ensemble de la presse à tel point que pendant des décennies, le camp symbolisera presque à lui seul l’horreur du système concentrationnaire nazi. Le vécu de nombreux détenus politiques sera longuement relaté par les médias. Eux-mêmes tiendront des conférences. Certains publieront leurs témoignages. C’est sans doute le camp les plus abordé par d’anciens détenus belges. Le 19 août 1945, l’Amicale des Prisonniers politiques belges de Buchenwald tient son premier congrès à Bruxelles. En 1976, à l’initiative de cette même Amicale paraît un ouvrage de Daniel Rochette et Jean-Marcel Vanhamme consacré au vécu des Belges dans le camp.

Légende d'origine : La Cité nouvelle, 24 avril 1945, p. 1.
Bibliographie
Rochette Daniel & Vanhamme Jean-Marcel, Les Belges à Buchenwald et dans ses kommandos extérieurs, Bruxelles, Pierre De Meyere, 1976.
Styven Dorien, 75 jaar geleden: Buchenwald, een concentratiekamp bevrijd door zijn gevangenen, 75 jaar geleden: Buchenwald, een concentratiekamp bevrijd door zijn gevangenen | VRT NWS: nieuws