Durant les quatre premières décennies du XXème siècle, l’anglophilie de sentiment ou d’intérêt est le fait d’une faible partie des classes sociales dirigeantes. On la retrouve plutôt dans les milieux libéraux, plus en Flandre et à Bruxelles qu’en Wallonie.
De la capitulation française jusqu’à l’invasion de l’URSS, la Grande-Bretagne poursuit seule la lutte et apparaît comme l’unique puissance à même de contrer la domination nationale-socialiste en Europe. Dans ce contexte, elle va capitaliser à son profit toutes les oppositions à l’ « Ordre nouveau » et au IIIe Reich.
Dès août 1940, Reeder, chef de l’administration militaire allemande, constate et déplore, des dépôts réguliers de fleurs sur le monument de la Reconnaissance britannique, à Bruxelles. A l’automne 1940, les lettres « R.A.F. » se multiplient sur les murs du pays, hommage à la résistance coriace qu’oppose la Royal Air Force aux initiatives de la Luftwaffe durant la « bataille d’Angleterre ». La B.B.C., très écoutée malgré les menaces de sanctions allemandes, constitue un excellent instrument de contre-propagande pour résister aux appels du pied de l’ Ordre nouveau. Si peu de journaux clandestins affichent clairement leur anglophilie (hormis Churchill-Gazette au pays de Liège, ainsi que les Actualités de la RAF), celle-ci imprègne à divers degrés les feuilles insoumises, étant entendu qu’elle est moins développée dans les courants de gauche, voire même quasiment inexistante dans la presse communiste ou liée au mouvement wallon. Notons aussi que pas mal de réseaux de renseignement sont directement reliés à l’ « Intelligence Service », voire même en sont l’émanation directe (Clarence, Tégal, Mill,…). Plus généralement, Belges de Londres et Britanniques travaillent main dans la main pour assurer le développement de la résistance en territoire occupé.
Mais à la Libération, cette anglophilie est nettement concurrencée par l’américanophilie. L’empire britannique apparaît comme un monde obsolète et à bout de souffle qui s’avère incapable de répondre aux attentes de l’après-guerre.
Colignon Alain, « La Résistance en Belgique francophone : une anglophilie par défaut ? », in : La résistance et les Européens du nord. Communications présentées lors du colloque de Bruxelles, 23-25 novembre 1994, Bruxelles : CREHSGM, 1994, p. 30-43.