Belgique en guerre / Articles

Sûreté (La) de l'Etat

Auteur : Verhoeyen Etienne (Institution : CegeSoma)

Création des liaisons clandestines

Lorsque se constitue à Londres, fin 1940, le noyau du gouvernement belge en exil, il se trouve sans liaison avec le pays occupé et sans service secret. En effet, les fonctionnaires de la Sûreté de l’Etat, fraîchement créée en mars 1940, sont restés en Belgique. Or, le gouvernement veut à tout prix être renseigné sur ce qui se passe en Belgique. Dans ce but, il veut établir des liaisons clandestines avec le pays occupé. Ce sera la tâche d’une nouvelle Sûreté créée à Londres en novembre 1940 sous la direction du magistrat Fernand Lepage, alors âgé de 35 ans. L’homme est, à ce moment, le seul magistrat présent à Londres à avoir une certaine expérience en matière de guerre secrète. 

1148-sAretA-de-l-etat.jpg
Institution : CegeSoma
Droits d'auteur : CegeSoma
Légende d'origine : Membres du personnel de la Sûreté de l'Etat au travail, Londres, s.d.

Coopération entre la Belgique et l’Angleterre

30993-delfosse-ministre-de-la-justice-et-de-l-information.jpg
Institution : CegeSoma
Droits d'auteur : CegeSoma
Légende d'origine : Antoine Delfosse, ministre de la Justice et de l'Information, s.d.

Comme l’action du gouvernement se déroule en Grande-Bretagne, la Sûreté belge doit être pourvue de moyens techniques (radio par exemple), de codes fournis par le Secret Intelligence Service britannique. Les Britanniques assureront également la formation des agents à envoyer sur le terrain. De son côté, le gouvernement belge se porte garant du financement de ces missions. 

Développement de la Sûreté

La Sûreté, qui débute comme un petit service, ne tardera pas à devenir une véritable administration, comptant 88 employés en février 1943 (de Lepage au simple commis). A ce moment, la Sûreté compte cinq départements : Renseignement, Action, Guerre psychologique, Evasion et Police Judiciaire. Les quatre premiers départements ont géré, sur la totalité de la guerre, 129 réseaux et missions. La section Renseignement a recueilli plus de 150 000 pages de renseignements venant du pays occupé.

Restructuration

En 1943, la Sûreté subit une restructuration : William Ugeux, qui vient d’arriver en Angleterre, est placé à la tête de la direction générale du Renseignement et de l'Action" L’auditeur général Walter Ganshof van der Meersch, arrivé en juillet 1943, peu après Ugeux, est nommé en décembre de la même année, Haut Commissaire à la Sécurité de l’Etat. Ces deux hommes ‘du terrain’ adoptent une attitude très critique envers la Sûreté, qu’ils considèrent comme lente et souvent inconsistante. Ces mesures ne sont pas faites pour plaire à Lepage, qui voit son autorité sapée. Les notes de service qu’il échange avec Ugeux sont parfois d’une froideur glaciale. 

163792.jpg
Institution : CegeSoma/Archives de l'Etat
Droits d'auteur : Droits Réservés
Légende d'origine : Ganshof Van der Meersch, s.d.
Légende Web : En tant qu’auditeur général près de la cour militaire, Walter Ganshof Van der Meersch, définit, coordonne et uniformise la politique de répression de la collaboration après la Libération.

Des relations parfois difficiles

Les relations des cinq départements avec leurs homologues britanniques ne sont pas toujours harmonieuses. Si le Renseignement s’entend bien avec le SIS, le service Action, qui devrait collaborer avec le Special Operations Executive (SOE), se voit obligé de rompre les relations, fin 1942, à cause de la tendance au SOE d’organiser des missions à l’insu de la Sûreté. En 1944, il en est de même pour le service Evasion, qui tout en collaborant avec le MI9, se plaint de voir le service anglais agir sans consulter son homologue belge. Ces frictions n’ont pas empêché qu’environ trois cents agents ont été envoyés vers le pays occupé par les divers services de la Sûreté. Ces agents sont recrutés parmi les Belges se trouvant en Grande-Bretagne. 

Autre réalisation

Ajoutons que la Sûreté a créé, dès le début de son existence, des antennes dans quelques pays neutres, tels le Portugal, l’Espagne, la Suisse et la Suède, où elle envoie des agents chargés de la transmission d’évadés et de rapports de renseignement.

Septembre 1944. Le retour

Septembre 1944 marque pour la Sûreté de l’Etat la fin de l’épisode londonien. Ses missions évoluent puisqu’elle se focalise désormais sur le contre-espionnage et la répression des collaborations. Elle poursuit néanmoins sa coopération avec les services britanniques dans un contexte rapidement marqué par la guerre froide. Une partie de l’équipe dirigeante dont Fernand Lepage est remplacée. Progressivement, l’institution reprend les missions qui étaient les siennes lors de l’entrée en guerre. 

32887(2).jpg
Institution : CegeSoma
Droits d'auteur : CegeSoma
Légende d'origine : Retour du gouvernement belge, Bruxelles 8 septembre 1944

Bibliographie

Roger Coekelbergs Marc Cools et Robin Libert [et alii],Gedenkboek Inlichtings- en Actie Agenten/Livre-Mémorial Agents de Renseignements et d'Action/Gedenkbuch Nachrichten und Aktions Agenten/Memorial Volume Intelligence and Actions Agents, Antwerpen, Apeldoorn, Maklu, 2015.

Emmanuel Debruyne, La guerre secrète des espions belges, Bruxelles, 2008.

Emmanuel Debruyne, Un service secret en exil. L'Administration de la Sûreté de l'État à Londres, novembre 1940 - septembre 1944., CHTP/BEG, 15, 2005, pp. 335-355.

Etienne Verhoeyen & Emmanuel Debruyne, Les années londoniennes, in : M. Cools, K. Dassen, R. Libert & P. Ponsaers, De Staatsveiligheid : essays over 175 jaar Veiligheid van de Staat = La Sûreté : essais sur les 175 ans de la Sûreté de l'Etat, Bruxelles/Brussel, Politeia, 2005, p. 75-92. 

Pour en savoir plus

220653.jpg Articles Préparer l'après-guerre (Gouvernement de Londres) Bernardo y Garcia Luis Angel
Pour citer cette page
Sûreté (La) de l'Etat
Auteur : Verhoeyen Etienne (Institution : CegeSoma)
https://www.belgiumwwii.be/belgique-en-guerre/articles/surete-la-de-l-etat.html