QUI?
Avant même la Libération, le gouvernement de Londres confirme les dispositions d'avant-guerre qui chargent la justice militaire en temps de guerre de la répression de la collaboration. Les conseils de guerre prononcent un jugement de première instance. La Cour militaire rend un arrêt en deuxième instance (en appel) ou si on juge un officier supérieur. À partir d'octobre 1944, un pourvoi en cassation est possible contre l’arrêt de la Cour militaire.
Outre les tribunaux militaires, il existe un parquet militaire. Il comprend les auditorats militaires des différents conseils de guerre et l'auditorat général de la Cour militaire. Les auditorats militaires mènent toutes les recherches, enquêtes et poursuites relevant de la compétence du conseil de guerre. L'auditeur militaire joue un rôle majeur puisqu'il cumule différentes fonctions et jouit d'une grande autonomie. En tant que juge d'instruction, il dirige l’enquête et peut arrêter des suspects, désigner des experts, mener des interrogatoires, effectuer des perquisitions et saisir des pièces et documents. Après l’instruction, il combine les fonctions de procureur du Roi et de la chambre du Conseil et décide de la suite de l'affaire. Il peut classer un dossier sans suite, ordonner un non-lieu ou, en cas de présomption de culpabilité, inculper le suspect et le faire comparaître devant le conseil de guerre. Lors des audiences du conseil de guerre, l'auditeur militaire joue le rôle de ministère public et fait appliquer le droit pénal. Après le verdict, il contrôle l'exécution de la peine. Au niveau de la Cour militaire, l'auditorat général fait office de ministère public.
A la Libération, il n’existe que quatre conseils de guerre, mais bientôt leur nombre augmente, jusqu’à un maximum de 21 en février 1946. Selon leur juridiction, les conseils de guerre renvoient les différents dossiers ou jugements, en cas de recours, à la Cour militaire de Bruxelles, Gand, ou Liège, et plus tard, Anvers. A partir de mai 1947, la juridiction militaire est progressivement réduite jusqu'en 1950. Seuls demeurent les conseils de guerre permanents de Bruxelles, Gand et Liège.
QUOI?
Toute personne inquiétée après l'occupation laisse inévitablement des traces dans les sources de la justice militaire. Après la Libération, chaque petite plainte, déclaration, preuve potentielle ou dénonciation anonyme entraîne l'ouverture d'un dossier judiciaire devant la justice militaire. Selon la suite donnée au dossier, on peut distinguer trois types de dossiers : les dossiers sans suite, les dossiers avec ordonnance de non-lieu et les dossiers qui aboutissent à une condamnation ou à un acquittement. Les deux premiers cas ne donnent pas lieu à un procès en conseil de guerre. Dès lors, ces dossiers ne contiennent que les pièces de l'enquête, d'un éventuel internement et, le cas échéant, un dossier "déchéance des droits civils et politiques". Outre les documents de l'enquête judiciaire, les dossiers du conseil de guerre contiennent toutes les pièces relatives au procès, telles que la convocation et l'interrogatoire de l'accusé, l'exposé des faits, le plaidoyer de la défense et la sentence. En cas d'appel, le dossier du conseil de guerre fait partie intégrante du dossier de la Cour militaire. Si l'arrêt de la Cour militaire fait l'objet d’un pourvoi en cassation, le dossier de la Cour de cassation avec la copie de son arrêt est également inclus.
OÙ?
Vu que la juridiction d'un conseil de guerre se limite normalement à un territoire précis, le domicile du prévenu permet souvent d’identifier l'endroit où se trouvent les archives pertinentes. Toutefois, pendant la période de répression, la juridiction territoriale est illimitée et un conseil de guerre peut condamner une personne qui réside en dehors de son ressort territorial. Parfois, plusieurs conseils de guerre condamnent un même individu parce que les infractions commises dans des lieux différents ne sont pas regroupées en une seule affaire. Bref, il n'est pas toujours facile de localiser les bonnes pièces. Le Guide des sources des juridictions militaires, consultable en ligne sur le site internet des Archives générales du Royaume (AGR), est un outil très utile car il localise des principales séries de la justice militaire. Il existe aussi un guide de recherche en français réalisé par Flore Plisnier.
Les dossiers classés sans suite ou de non-lieux des archives des auditorats militaires ainsi que les dossiers d’affaires jugées des archives des conseils de guerre ou de la Cour militaire sont pour la plupart conservés au dépôt des Archives générales du Royaume 2 (AGR-2) de Bruxelles.
Quelques exceptions :
- Les dossiers de l’auditorat militaire de Tournai se trouvent aux Archives de l’État à Tournai
- Les dossiers de l’auditorat militaire de Nivelles sont conservés aux Archives de l’État à Louvain-la-Neuve
- Les dossiers de l’auditorat militaire de Louvain se trouvent aux Archives de l’État à Louvain.
- Les dossiers des auditorats militaires de Charleroi et de Mons sont conservés aux Archives de l’État à Mons.
- La série des minutes des jugements et des arrêts se trouve intégralement aux AGR-2 à Bruxelles, tout comme la majorité des registres contenant les listes de l’auditeur militaire et les registres d’exécution des peines.
COMMENT?
Les archives de la justice militaire ne sont pas accessibles à tous : l'autorisation écrite du Collège des procureurs généraux est toujours requise. En principe, il n'est pas donné suite aux demandes relevant d'un intérêt général pour le passé d'un aïeul ou d'un parent, sauf si elles émanent de la veuve, des enfants ou autres ayants-droit du condamné.
La demande écrite de consultation doit être adressée par courrier au Secrétariat du Collège des procureurs généraux, service des archives, Boulevard de la Toison d'Or 87, boîte 4, (9ème étage) 1060 Bruxelles. La demande doit contenir les informations suivantes : nom, prénom et date de naissance de la personne dont on souhaite consulter le dossier et motivation circonstanciée. Sans ces éléments, une demande ne sera pas prises en considération ni traitée.
À noter qu’en cas de refus de consultation, il est toujours possible de retrouver la plupart des informations importantes grâce aux différentes sources alternatives. De plus, les autres archives contiennent de nombreuses informations absentes de ces dossiers judiciaires. Tant en cas de refus que d'autorisation du Collège des procureurs généraux, il est conseillé de poursuivre les recherches.