La presse clandestine est l'une des premières formes de résistance contre l'occupant allemand. En Belgique, elle est plus importante que partout ailleurs. La presse clandestine belge représente différentes tendances politiques, mais elle partage un même objectif : lutter farouchement contre l'occupant. Certains journaux ne paraissent que quelques fois et ont une portée très locale, tandis que d'autres sont diffusés à grande échelle à travers tout le pays. La production de presse clandestine est particulièrement florissante du côté francophone, mais plusieurs journaux clandestins voient également le jour en Flandre. De Vrijheid, une initiative libérale anversoise, en est un exemple parmi d'autres. Ce journal réussi à paraître pendant deux ans avant d'être finalement interrompu en 1942, victime d’une sévère répression allemande.
Vrijheid I: une résistance d'anciens combattants libéraux
Peu après le début de l'occupation, motivé par des convictions patriotiques, John Van Geffen, un Anversois, a l'idée de créer un journal clandestin. Pour mener à bien son projet, il fait appel à ses connaissances issues des milieux libéraux ainsi qu’à d’anciens combattants, notamment Louis Van Coppenolle, président d'une Fraternelle d’anciens, Corneel Heynen, actif à l’Institut national des Invalides de guerre, et Arnold Segers, un ami d'enfance tenant le café "El Bardo" dans la Sint-Jacobstraat. C’est dans une petite salle du café qu’ils se réunissent pour produire leur journal clandestin.
Le premier véritable numéro de De Vrijheid voit le jour en août 1940. Le titre ainsi qu’une illustration de la Statue de la Liberté américaine ont été choisis. Les textes, rédigés par Jan Verhaeghe, sont ensuite imprimés par Louis van Coppenolle grâce à la machine à stencils de "l'Union des Armateurs". Environ 200 exemplaires du journal sont imprimés et diffusés dans la ville d'Anvers. Un mois après la première publication, le deuxième numéro paraît, suivi d'un troisième en octobre. Le quatrième numéro ne voit jamais le jour. Van Geffen annonce l'arrêt de la publication du journal pour « cause de bavardages en public ».
Vrijheid II: pour des Flamands libre-penseurs
Peu de temps après l’arrêt de De Vrijheid, la production du journal clandestin est relancée à l'initiative de Carlo Buysaert. Membre de la Jeune Garde Libérale, il aspire à se lancer dans diverses initiatives de résistance, dont la publication d'un journal clandestin. Pour ce faire, il prend contact avec Louis Van Coppenolle au moment où De Vrijheid a cessé de paraître. Ainsi naît l’idée de relancer le journal sous le même titre. Il doit servir d’organe d’information et de débat pour les libre-penseurs flamands. Buysaert tisse un réseau de contributeurs parmi ses collègues et des personnes partageant les mêmes idées politiques. Cette nouvelle équipe est plus jeune que les fondateurs du premier journal clandestin. Ils s’appuient principalement sur le barreau et l’administration de la ville. Les coûts de production sont couverts par Buysaert et quelques amis avocats dont Frans De Hondt, l’industriel Eugeen Verschueren et le pharmacien Henri Busscher, officiant à Suikerrui.
Le premier numéro de la nouvelle édition est imprimé en décembre 1940 par Van Coppenolle. Immédiatement après, il se retire du projet, ce qui implique de trouver un nouveau contact pour le deuxième numéro. Ce sera un avocat dénommé Koll. Celui-ci fait imprimer le journal clandestin dans les bureaux de "l'Agence Maritime Internationale", où le troisième numéro est également élaboré. En juin 1941, le quatrième numéro est réalisé via un nouvel imprimeur, Andreas Wijn, qui produit quelque 300 exemplaires du journal. Par la suite, De Vrijheid change à nouveau de lieu d’impression. À Berchem, chez l'architecte Emile Janssens et son fils, la présence de nouveaux voisins allemands implique un énième déménagement du lieu de production. Une fois de plus, la machine à stencils est déplacée, cette fois-ci vers les bureaux d'August Champy à l’Oude Korenmarkt à Anvers. Entre-temps, le tirage du journal augmente, passant de trois cents à cinq cents exemplaires par numéro.
Arrestations et fin de la parution de ‘De Vrijheid’
Les services de police allemands repèrent le groupe pour la première fois en juillet 1942. Carlo Buysaert est alors arrêté pour sa participation à la résistance armée. En réaction, sous la direction de Fernand Riquier, certains membres du groupe s’empressent de faire paraître le plus rapidement possible un nouveau numéro de De Vrijheid. Ils espèrent ainsi convaincre les Allemands que le Buysaert, arrêté, n'est pas le personnage central derrière le journal clandestin. Les textes sont cette fois rédigés par Maurice Prues, directeur du Journal d'Anvers et secrétaire de rédaction du journal libéral Le Matin. Par précaution, la machine à stencils est de nouveau déplacée vers la Handschoenmarkt chez Louis Pighinin, un photographe amateur d'images de guerre clandestines. C’est là que les derniers numéros sont imprimés avant que la parution ne cesse définitivement en septembre 1942 ; leur tentative de tromperie de l’occupant ayant échoué. Plusieurs membres dont Fernand Riquier et son épouse Joanna Leemans ont en effet été arrêtés.
La presse clandestine est une activité dangereuse. Le prix à payer est particulièrement élevé. Emile Janssens et son fils Paul, Fernand Riquier et Frans De Hondt décèdent au camp de concentration de Gross-Rosen. August Champy perd la vie à Mittelbau-Dora. Jan Verhaeghe, Carlo Buysaert et Henri Busscher survivent à la guerre et rentrent à Anvers en 1945.
Bibliographie
- “Geheime pers tijdens de Tweede Wereldoorlog: Collectie sluikpers en vlugschriften”. Erfgoedbibliotheek Hendrik Conscience. https://consciencebibliotheek.be/nl/pagina/clandestiene-pers-wo-ii, geraadpleegd op 27.02.2024.
- Van Den Broeck, Karl. 'Nergens was er zo veel sluikpers als in België' – De Morgen (14.01.2013), p 21.
- De Prins, Gert. Sluikpers. Antwerpen, 1940-1944. 2004.
- Consulter le journal en ligne: https://warpress.cegesoma.be/n...