Belgique en guerre / Personnalités

Leemans Franz

Thème - Résistance

Auteur : Collet Baudouin (Institution : RUSRA-KUIAD (Royale Union des Services de Renseignement et d’Action/Koninklijke Unie der Inlichtings- en Actiediensten))

Grand commis de l’Etat, proche de la famille van Zeeland, Franz Leemans est actif dans le réseau de renseignement Clarence. Après la guerre, il devient chef de mission pour le rapatriement et s’engage dans le camp des ultras du léopoldisme. 

De Soignies au Congo et retour

Fils d’horloger, Franz Leemans (1898-1952) voit son itinéraire lié à celui d’une autre famille elle aussi originaire de Soignies, les van Zeeland. Au cours de son adolescence, il se lie d’amitié avec Marcel van Zeeland, puis avec son aîné Paul. Durant la Première Guerre mondiale, il termine ses humanités, décroche son diplôme à l'Institut supérieur commercial et consulaire catholique de Mons (ISCC), diplôme qu’il complète par une formation à l’Ecole coloniale de Bruxelles. En octobre 1919, il débute une carrière dans l’Administration belge dans la région du Sankuru au Congo. Promu Administrateur Principal dans la ‘Territoriale’ il revient prématurément en métropole en 1925 suite à une blessure encourue lors d’échauffourées entre ses services et la population locale. Attaché au cabinet du catholique Henri Carton de Wiart, qui apprécie ses qualités, Leemans continue à s’intéresser aux questions sociales africaines. On lui doit la mise sur pied de la Régie de Distribution d’Eau au Congo dont il restera l’administrateur-directeur jusqu’à sa mort. Il est par ailleurs nommé successivement administrateur du Comité de direction de l’Office des Transports Coloniaux (OTRACO), du Fonds Reine Elisabeth pour l’Assistance médicale aux Indigènes (FOREAMI) et du Conseil supérieur d’Hygiène coloniale.

Lié au Parti catholique, Franz Leemans se profile comme un homme de cabinet, pragmatique, entreprenant et écouté de nombreux acteurs du monde politique belge et étranger ainsi que de la haute administration. Son expérience de l’Afrique et des hautes fonctions l’amèneront à jouer un rôle diplomatique au niveau international comme conseiller spécial du gouvernement dans des domaines aussi divers que le problème du rapatriement des réfugiés pour les Nations Unies ou ; à partir de la fin des années 40, lors des négociations secrètes entre la Belgique et les Etats-Unis pour la défense du Congo et, en particulier, du Katanga.

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Institution : KBR
Légende d'origine : Le Soir, 4 juin 1937, p. 5

‘Monsieur Léopold’ au service de Clarence et du MI6

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Institution : CegeSoma
Collection : Archives et fonds documentaire Franz et Yvan Dewandelaer, 1933-2013, AA 2403.
Légende d'origine : Franz Leemans, s.d. ca 1944

Lorsqu’éclate la guerre en 1939, il n’est pas mobilisé, la blessure encourue au début de sa première  affectation congolaise le tenant écarté du service actif. Néanmoins, il souhaite agir et lutter contre l’occupant. Recruté par l’ingénieur Alfred Lienart, comme lui administrateur de plusieurs sociétés coloniales belges, il entre en février 1943 au service du réseau Clarence pour le compte du MI6 britannique. Leemans se voit confier la responsabilité d’une partie du Brabant rural. Sa nomination comme professeur à l’ISCC quelques temps auparavant, ses fonctions d’administrateur de sociétés dont les sièges sont à Bruxelles, et son domicile à Ottignies lui permettent de se déplacer dans le pays sans attirer l’attention de l’occupant. Les rafles du contre-espionnage allemand d’octobre 1943 dans la région de Waterloo et l’arrestation du docteur Goethals qui en découle, obligent Leemans à prendre l’ensemble du réseau du Brabant rural de Clarence à sa charge et à établir une nouvelle antenne à partir de Nivelles. Son réseau, au rendement remarquable, se concentre principalement sur les objectifs militaires, les aérodromes de Beauvechain, Nivelles et les transits ferroviaire et routier. A la libération, ce réseau est fort de 68 individus reconnus par le Ministre de la Défense nationale comme agents de renseignement et d’action (ARA). Franz Leemans est élevé au grade de lieutenant ARA. Son alias clandestin, monsieur Léopold fait entrevoir en filigrane son attachement au roi Léopold III et préfigure son engagement en faveur de celui-ci aux prémices de la Question royale.  

Le service Léopold du Groupe Clarence

Attaché à l’Institut royal colonial belge, Leemans continue d’entretenir des liens étroits avec ses anciens agents en dépit de leur démobilisation au mois de septembre 1944. Son action en faveur du retour du Roi va se concrétiser par la mise en place d’un mouvement qui rassemble une partie importante de son ancien réseau. Le nom choisi n’est pas sans entretenir une certaine ambiguïté: Service Léopold du Groupe Clarence. Leemans préside le Bureau directeur et les chevilles ouvrières du mouvement comme Alice Cheramy, Maurice Biquet ou Joseph Meurice, tous anciens de Clarence, ne ménagent pas leurs efforts notamment lors de l’organisation du Congrès du Heysel pour faire pencher l’opinion publique en faveur de Léopold III, jusqu’à la Consultation populaire de mars 1950. Cependant. pour de nombreux observateurs de la vie politique et la presse, le patron de l’organisation, même s’il n’apparait dans aucun organe, est indubitablement Paul van Zeeland, léopoldiste convaincu et en liaison directe avec Prégny, le Roi et son secrétaire Jacques Pirenne. L’équivoque qu’entretient Leemans au travers du nom de son mouvement entraine une réaction par voie de presse. Hector Demarque, alias Clarence, chef du réseau éponyme qu’il codirigea avec Walthere Dewé, tient à dissocier son ancienne organisation résistante de toute opinion partisane et dénonce l’utilisation abusive du prestige de ce service dissout après la guerre. La conséquence immédiate est le changement de nom en Mouvement Léopold (ML). Au paroxysme de la Question royale, dans les jours qui précèdent l’abdication de Léopold III, Franz Leemans, figure de proue des léopoldistes est placé sous protection policière.  



Expert des questions africaines, il est nommé professeur à l’Université catholique de Louvain en 1944. Initié aux affaires dans les années vingt par Henri Carton de Wiart, proche de van Zeeland, Franz Leemans, déjà détenteur de nombreux mandats de sociétés coloniales, accède à la présidence des mines d’or de Kilo-Moto (1947).

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Institution : CegeSoma
Collection : Documents Jean Pauwels concernant la campagne des 18 jours et la résistance à Nivelles: [1940-1950], AA 831
Légende d'origine : Les Agents de la section nivelloise du réseau Clarence et leurs familles à Nivelles en juillet 1946
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Institution : KBR
Légende d'origine : Het Laatste Nieuws, 21 décembre 1947, p. 4

Chef de mission au rapatriement

Sur le plan diplomatique, le retour de Paul van Zeeland au pays à l’automne 1944, puis sa nomination en tant que Commissaire au Rapatriement, vont donner à Leemans l’occasion de démontrer sa pleine capacité dans des domaines nouveaux pour lui. L’ancien premier ministre le nomme Chef de Mission au Rapatriement au sein de l’état-major interallié. Il est à ce titre parmi les premiers à découvrir l’horreur du camp de Buchenwald. Il est élevé au grade de lieutenant-colonel du Supreme Headquarters Allied Expeditionary Force (SHAEF). Désigné conseiller du gouvernement Eyskens-I en aout 1949, il assiste van Zeeland, désormais ministre des Affaires étrangères, dans de multiples dossiers de la diplomatie belge, notamment ceux liés au futur pacte de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN).

A l’automne 1950, il est victime d’une campagne de dénigrement par voie de presse. On lui reproche d’entretenir des conflits d’intérêts entre d’une part son rôle de haut fonctionnaire et d’autre part ses activités privées au Congo. Mais van Zeeland le soutient indéfectiblement.

Franz Leemans continue à traiter pour le compte du gouvernement belge les questions liées aux problèmes des déplacements de populations dans le monde. Il accepte entre autres la présidence du Comité international pour les Migrations et du Comité Intergouvernemental provisoire pour les Mouvements migratoires en Europe lors d’une conférence qui se tient à Bruxelles a l’automne 1951. Titulaire de nombreuses distinctions honorifiques belges et internationales, il décède prématurément en juin 1952. 

Bibliographie

Académie royale des Sciences d’Outre-mer, biographie belge d’Outre-mer, Fascicule VII, (1989) p.237-242, https://www.kaowarsom.be/docum....

Institut royal colonial belge, Bulletin XXIV (1953), p.82-87, https://www.kaowarsom.be/docum....

Archives de l’Université catholique de Louvain, Fonds: Papiers de Paul van Zeeland, Correspondance avec Franz Leemans, 1946-1955.

Archives de l’Université catholique de Louvain, Dossier personnel de monsieur Franz Leemans, 1945-1952.

Foreign Relations of the United States, 1951, Europe: Political and Economic Developments, Volume IV, Part 1. Memorandum by George L. Warren of the Refugees and Displaced Persons Staff of the Bureau of United Nations Affairs.

Foreign Relations of the United States, 1952-1954, Africa and South Asia, Volume XI, Part 1. Memorandum of Conversation, by the Assistant Secretary of State for European Affairs (Perkins),

Collet, B., Histoire d’un réseau de renseignement et d’action, le cas de Clarence en Brabant, à paraître.  

Pour en savoir plus

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Pour citer cette page
Leemans Franz
Auteur : Collet Baudouin (Institution : RUSRA-KUIAD (Royale Union des Services de Renseignement et d’Action/Koninklijke Unie der Inlichtings- en Actiediensten))
https://www.belgiumwwii.be/belgique-en-guerre/personnalites/leemans-franz.html