Belgique en guerre / Personnalités

Delbrouck René

Thème - Résistance

Auteur : Kesteloot Chantal (Institution : CegeSoma)

Alors qu’ils ont été précurseurs dans la lutte contre l’occupant et que leur journal clandestin Le Monde du Travail deviendra l’un des titres les plus réguliers de l’occupation, à la Libération, on peut parler de « vide liégeois » tant la répression de l’occupant a durement frappé cette fédération. Parmi les victimes, un de leurs grands espoirs, René Delbrouck, élu député en 1936…

Antifascisme et socialisme de gauche

Ouvrier métallurgiste, son engagement syndical lui vaut d’être licencié à plusieurs reprises. Il rejoint ensuite le sérail socialiste et devient employé. Son itinéraire est aussi très lié à son engagement comme responsable des Jeunes Gardes socialistes à Liège. Il est élu conseiller communal à Ougrée en 1932 avant de devenir député quatre ans plus tard puis échevin de sa commune en 1939. Son engagement politique est étroitement lié à la lutte contre le fascisme. Il s’inscrit résolument à la gauche du parti, se montrant très critique vis-à-vis de la ligne adoptée par le POB et tout particulièrement lors de la reconnaissance du gouvernement nationaliste de Burgos. Comme une grande partie de la fédération liégeoise du POB, il exprime à maintes reprises des critiques quant à la ligne politique du gouvernement en matière de politique étrangère incarnée par la personnalité de Paul-Henri Spaak, pourtant socialiste comme lui. 

peuple-26-5-1936-p-1-.png
Institution : KBR
Légende d'origine : Le Peuple, 26 mai 1936, p.1.

Un précurseur de l’action clandestine

le-monde-du-travail-nA1-s-d-.jpg
Institution : Cegesoma
Légende d'origine : Le Monde du Travail, n°6, s.d.

Dès l’été 1940, il s’engage résolument. Avec son ami Charles Rahier, qu’il a rencontré dans le sillage des Jeunes Gardes socialistes dans les années 1930, ils sont à l’origine d’une des premières feuilles clandestines, Résurrection. Le ton des premiers numéros est vif et radical. Il dénonce le POB et le « plat réformisme » qu’il a incarné durant les années ’30. La publication se montre en outre particulièrement critique vis-à-vis de la figure d’Henri De Man et de son fameux Manifeste prônant la dissolution du POB. Bien évidemment, l’occupant est lui aussi pris à partie. Après six numéros, Résurrection devient Le Monde du Travail, l’un des principaux journaux clandestins qui paraîtra à 88 reprises durant l’occupation. Le ton radical des débuts s’estompe peu à peu dès lors que les deux jeunes initiateurs sont rejoints par des militants plus chevronnés. Mais l’esprit demeure à la lutte comme en témoignent notamment les appels à célébrer le 1er mai 1941. 

Victime de l’opération Sonnewende

Le 22 juin 1941, au lendemain de l’invasion de l’Union soviétique par la Wehrmacht, l’occupant procède à une vague d’arrestations. Ce sont, pour l’essentiel, les communistes qui sont visés. Quelques socialistes appartenant à la mouvance de gauche du parti et militants trotskystes sont également arrêtés. Parmi eux figure René Delbrouck. Quelques semaines auparavant, il avait déjà été démis par l’occupant de ses fonctions d’échevin. L’homme est d’abord interné à la citadelle de Huy avant de faire partie du convoi du 22 septembre 1941, le premier qui emmène outre-Rhin 250 prisonniers politiques belges dont 149 en provenance de Huy et les autres du camp de Breendonk ; 17 d’entre eux sont originaires d’Ougrée. Le milieu ouvrier de la région liégeoise fournit d’ailleurs le plus gros du contingent. Seuls 50 des 250 survivront à la guerre. René Delbrouck figure au nombre des victimes. Il décède le 20 juin 1942, un peu moins d’un an après son arrestation. Officiellement, il est mort des suites d’une insuffisance cardiaque. Dans les faits, les conditions de détention étaient particulièrement dures. Sa famille est informée de son décès le 24 juin 1942.

le-monde-du-travail-aoAt-1942-p-1.jpg
Institution : Cegesoma
Légende d'origine : Le Monde du Travail, août 1942

Hommage et mémoire

Le Monde du Travail clandestin lui rend hommage dans son numéro d’août 1942. Aussitôt, le fonds de solidarité du journal est rebaptisé en hommage à René Delbrouck et à Georges Truffaut, décédé, lui, en Grande-Bretagne. Les deux hommes restent associés dans l’hommage organisé par la Fédération liégeoise du PSB en octobre 1947 lors du rapatriement des deux dépouilles. Le fonds de solidarité Delbrouck-Truffaut, créé durant l’occupation, poursuit son œuvre en venant d’abord en aide aux enfants de déportés et de fusillés pour s’adresser ensuite, plus largement, à l’enfance défavorisée. Dans sa commune, une rue René Delbrouck est inaugurée en juin 1945 et le Centre culturel local porte également son nom. Il a également été reconnu prisonnier politique et « résistant par la presse clandestine » à titre posthume.

 

Bibliographie

Flagothier-Musin Linda, Liège. Histoire des Fédérations 1895/1985, Bruxelles, PAC, 1985.

Gotovitch José, “Histoire de la déportation: le convoi du 22 septembre 1941” in Cahiers d’Histoire de la deuxième guerre mondiale/Bijdragen tot de geschiedenis van de Tweede Wereldoorlog, Bruxelles/Brussel, Pierre De Meyere, 1967, pp. 95-126.

Kesteloot Chantal, Le mouvement socialiste clandestin (1940-1945), Mémoire de licence en histoire, ULB, 1984-1985.

 

 

Pour citer cette page
Delbrouck René
Auteur : Kesteloot Chantal (Institution : CegeSoma)
https://www.belgiumwwii.be/belgique-en-guerre/personnalites/delbrouck-rene.html