A la veille de la Seconde Guerre mondiale, le Parti Communiste de Belgique, fort d’une petite dizaine de milliers d’adhérents, dispose, depuis 1936, d’un quotidien La Voix du Peuple. Il remplace un hebdomadaire militant plus ancien, né à l’automne 1921, Le Drapeau rouge. La « drôle de guerre » donne à la rédaction du nouveau quotidien, confrontée à la censure pour cause de « néo-pacifisme » accentué (pacte germano-soviétique oblige), l’occasion de jouer au chat et à la souris avec les autorités belges tout en procédant à une série de publications La Vie ouvrière, L’Enchaîné) sinon clandestines du moins très vite non-autorisées afin de soutenir le parti-frère français interdit par le gouvernement Daladier. Après l’invasion allemande et la mise en place de la censure nazie, La Voix du Peuple disparaît, n’ayant pu obtenir l’aval de la Militärverwaltung.
Paraître sous l’occupation
Au début de l’hiver 1940-1941, plusieurs membres du Parti envisagent de se doter d’un nouvel organe de presse non-censuré…et conforme aux vœux du Komintern : franchement prolétarien, toujours hostile aux « deux impérialismes » (l’allemand…et le britannique !) mais néanmoins sympathisant avec une certaine forme de résistance à l’occupant, tant qu’elle n’était pas outrancièrement anglophile.
En février 1941 parait le premier numéro d’un organe clandestin qui se veut l’organe central du PCB, épousant grosso-modo la « ligne » énoncée précédemment et reprenant, sous le label Le Drapeau rouge, le titre des années héroïques du Parti, vers 1921-1924. Comme son ancêtre, il se réclame ardemment de la classe ouvrière, tout en stigmatisant autant l’Ordre nouveau que les agents de la City. Un appareil illégal d’édition a été concocté sous la houlette de l’ancien député Pierre Bosson. La rédaction doit beaucoup à d’anciens journalistes de la défunte Voix du Peuple (Félix Coenen, Jean Lagneau).

Légende d'origine : Le Drapeau rouge n°1, février 1941
Le tournant

Légende d'origine : Le Drapeau rouge, 1er juin 1941
A partir des grandes grèves de mai 1941 dans les bassins industriels wallons, la charge anti-ordre nouveau s’accentue…et la polémique déploie ses ailes contre les nazis avec la rupture du pacte germano-soviétique, fin juin 1941. A partir d’août 1941, le clandestin affiche la couleur en se présentant carrément comme l’ « Organe central du PC », passant de 2 à 4 pages et se voulant un bi-mensuel de combat. Des éditions régionales apparaissent dès décembre 1941, d’abord à Liège puis, en 1943 et 1944, à Charleroi, Huy et La Louvière…Pierre Joye y occupe le poste de rédacteur en chef, prônant l’adhésion des patriotes au Front de l’Indépendance (d’inspiration communiste), soutenant toutes les actions revendicatives et prônant le sabotage ainsi que la lutte armée.
Survivre à tout prix !
Mais en juillet 1943, le gros du comité rédacteur tombe aux mains de la Sipo-SD, en même temps que la direction du Parti. Preuve de son succès populaire (son tirage oscille de 5000 à 40.000 exemplaires alors qu’il est théoriquement vendu et non distribué gratuitement), la « Gestapo » s’applique à produire sur les presses clandestines un faux Drapeau rouge appelant à renoncer à toute action afin de préserver les cadres dirigeants emprisonnés. En catastrophe, le Parti réussit cependant à réaliser en août 1943 un « vrai » numéro (sur deux pages) afin de démentir cette « infox » et appeler plus que jamais à la poursuite de la lutte. La parution reprend alors sous la surveillance de Félix Coenen, interrompue de temps à autre par des arrestations ponctuelles (novembre 1943…).
Paraissant fin août 1944, le numéro 74 du Drapeau rouge est considéré par les militants comme le premier numéro légal d’un titre qui, ayant gagné ses titres de noblesse dans le combat contre l’occupant « fasciste » va devenir pour plusieurs décennies le mode d’expression officiel du Parti, de ses pompes et de ses œuvres.
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Légende d'origine : La Drapeau rouge, août 1943
Bibliographie
Pour consulter la collection en ligne, voir Le Drapeau Rouge | The Belgian War Press
Le "Drapeau Rouge" clandestin, Bruxelles, Fondation Jacquemotte, 1971.
Le livre d’or de la résistance en Belgique, Bruxelles : M.D.N., 1948.
José Gotovitch (dir.), Guide de la presse clandestine de Belgique, Bruxelles, Centre de Recherches et d'Etudes historiques de la Seconde Guerre Mondiale, 1991, IV + 214 p.