Belgique en guerre / Articles

Forchies-la-Marche: la Résistance à l'échelon local

Thème - Résistance

Auteur : Leduc Jonas (Institution : Etudiant en histoire, UCLouvain)

Pour citer cette page

Dès 1941, un réseau de résistants s'organise au cœur de la commune de Forchies-la-Marche. Portée par le Groupe G et d'autres mouvements locaux, cette commune ouvrière devient le théâtre d'une série d'actions audacieuses et variées, révélant une facette méconnue de son histoire. Dirigée par Marcel Hachez, le Groupe G s’illustre par diverses actions de sabotage. Ces actes éclairent une dimension locale inexplorée de la lutte contre l'occupation.

Forchies-la-Marche et Fontaine-l’Evêque : une histoire partagée

Forchies-la-Marche est une commune située dans le bassin industriel de Charleroi. Elle se trouve au sud-ouest de ce dernier et au nord-ouest de Fontaine-l’Evêque. En 1939, Forchies compte 5 193 habitants. Avant et pendant l'occupation, la commune est dirigée par des bourgmestres socialistes : Victor Durant-Glas de 1933 à 1938, suivi de Noël Josse de 1938 à 1942. Après l’instauration du Grand-Charleroi administré par des rexistes, la commune perd son autonomie.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, plusieurs sites ont été le théâtre d'opérations importantes. La gare de Forchies a notamment été l’objet de nombreux actes de sabotage. De plus, les terrils et les bois voisins ont également occupé une position stratégique lors de la Libération. Le 5 septembre 1944, les combats du terril n°1/2 Pétria, situé en bordure de Fontaine-l’Evêque, ainsi que les combats du bois et du petit-bois de Forchies-la-Marche, sont des événements majeurs impliquant le Groupe G et le Front de l’indépendance.

image4.jpg
Collection : POLIART Roland, Mémoire en images. Fontaine-l’Evêque, Grande-Bretagne, 2004, p. 120.
Légende d'origine : Carte postale, Coron du bois, actuellement rue E. Vandervelde. L'image date d'après 1910, car on y remarque la ligne de tram (79) inaugurée le 6 décembre 1910.

Le résistant filamarchois : qui est-il ?

image1.jpg
Institution : Cercle d'Histoire et d'Archéologie de Fontaine-l'Evêque
Légende d'origine : « Il y a 50 ans, la libération », dans Regard sur le passé, Bibliothèque communale de Fontaine-l’Evêque, s.d.

Parmi les cinq mille habitants de Forchies-la-Marche, environ 150 ont joué un rôle dans la résistance. Quel est leur profil ? À quel groupement appartiennent-ils et qu'ont-ils fait ?

Les rangs de la résistance locale sont principalement masculins, avec 86 % d'hommes et 14 % de femmes sur base des dossiers de reconnaissance. L'âge moyen des résistants à leur entrée dans la clandestinité varie de 10 à 66 ans, avec une moyenne de 35 ans. Leur durée moyenne d’engagement est d'environ 1 an. Cette courte durée d'activité s'explique par une mobilisation massive au début de l'année 1944 et surtout dans les mois suivant l'arrivée des Alliés en Europe.

Les professions exercées sont variées; cependant, les ouvriers représentent une majorité, ce qui n’a rien de surprenant dans une cité industrielle. Viennent ensuite les employés, en grande partie embauchés dans des entreprises minières de la région. Les artisans et commerçants forment la troisième grande catégorie d’emplois dans la commune. En ce qui concerne les femmes de Forchies-la-Marche, la majorité sont ménagères, tandis que les autres exercent une activité commerciale.

La majorité des résistants sont mariés (71%). Les autres (29%) sont soit célibataires (25%) soit veufs (4%). Cependant, malgré une forte proportion d'hommes et de femmes mariés, la grande majorité d'entre eux n'ont pas d'enfant. Dans les cas contraires, ils en ont en moyenne un seul.

Les individus impliqués habitent principalement dans le centre urbain, aux abords des cinq axes principaux, à proximité des responsables locaux. Ils forment dès lors un réseau stratégiquement positionné près des axes de passage et des points de sabotage.

Plusieurs mouvements de résistance s'implantent dans la commune. L’organisation la plus représentée est le Groupe G. En effet, parmi les 23 organisations repérées à Forchies-la-Marche, les deux principales sont le Groupe G et le Front de l’indépendance. Le premier compte 102 affiliations parmi lesquels 23 résistants de l’Union de Patriotes belges. Le Front de l’Indépendance, incluant les Milices Patriotiques (16 affiliations) et les Partisans armés ou Armée belge des partisans (17 affiliations), comprend 52 affiliations.

Le résistant type filamarchois est un homme âgé de 35 ans, marié et issu de la classe ouvrière. Il réside au cœur de Forchies, travaille probablement comme ouvrier dans une entreprise minière, et a été membre du Groupe G pendant un an.

Le Groupe G : Des actions de résistance à la bataille de la libération

Initiées par des membres du Front de l’indépendance, les premières actions de résistance datent de 1941. À partir de l'année suivante, le Groupe G s’implante dans la localité. Ces deux mouvements – mais surtout le Groupe G - prennent de l'ampleur au fil de la guerre, particulièrement en 1944.

Le Groupe « Gérard », fondé en 1942 parmi des milieux d'ingénieurs, de libres-penseurs et d'antifascistes de l'U.L.B., se concentre principalement sur des actions de sabotage. Cet ensemble s’organise en différentes régions, secteurs et cellules, sous la supervision d'un état-major au niveau national. Le groupement de Forchies-la-Marche, qui se trouve dans la région VII, secteur 76, a été créé en novembre 1943. Il couvre Piéton, Gouy-lez-Piéton, Fontaine-l'Evêque et Trazegnies.

Marcel Hachez, le chef de réseau à l’échelon local a été recruté en 1943 par les chefs régionaux, Maurice Dooms et Henri Sergheys. Hachez couvre de nombreuses tâches. En tant que chef du secteur 76, il a recruté 110 hommes pour le Groupe G et les a encadrés dans la formation au sabotage. Il a planifié et supervisé plus de dix actions contre les voies ferrées, les installations ferroviaires et les pylônes à haute tension. De plus, il a orchestré le transport d’armes, de munitions et d’explosifs nécessaires aux opérations envisagées.

Cependant, malgré les diverses actions menées par ce groupe et les efforts soutenus des résistants de Forchies, les archives du mouvement révèlent peu d'opérations d'envergure dans la commune. Il n'empêche que la répression allemande frappe l'entité. Le 25 juillet 1944, une septantaine d'habitants de la commune sont arrêtés comme otages dans le cadre d'une rafle menée probablement en représailles à des sabotages du groupe G. La rafle est opérée par la Feldgendarmerie et la brigade Z de Rex; 17 d'entre eux sont déportés, 4 d'entre eux meurent en déportation. 

    ecusson_du_groupe_g(2).jpg
    Institution : http://www.maisondusouvenir.be
    Légende d'origine : Ecusson du Groupe G
    rafle-25-7-1944.jpg
    Institution : Bel-Memorial
    Légende d'origine : Plaque en hommage aux otages déportés. tour-porche de l’église de la Sainte-Vierge (Place Destrée, n°2 6141 Forchies-la-Marche).

    A l’heure de la libération

    Toutefois, les combats du 5 septembre 1944 marquent l’histoire locale. Début septembre, lors de la libération du pays et du passage des Alliés sur la Grand Route de Fontaine, des affrontements ont eu lieu, impliquant la résistance locale contre des soldats allemands en retraite. Ces derniers, refusant de se rendre, organisent des sabotages pour ralentir la progression des Alliés et la libération du pays. Ces actions sont dirigées par deux officiers allemands qui tiennent le bosquet en bas du terril n°2 de Fontaine- l’Evêque. Lors de manœuvres de la résistance, les combats se déplacent vers le terril n°1, la rue de Roux (Fontaine), le Bois de la Marche, le Petit Bois (Forchies) ainsi que le Bois de 14 (Piéton).

    La majorité des résistants intervenants sont principalement affiliés au Groupe G et au Front de l’indépendance. Ceux du « G », étant mieux armés, jouent un rôle plus décisif. Cette bataille symbolise le dernier sursaut allemand dans la région. La résistance, soutenue militairement par les Américains vient à bout des Allemands. Quinze habitants perdent la vie au cours de ces combats de fait inutiles car les Allemands allaient être contraints de se rendre aux Américains, qui prenaient progressivement le contrôle de la ville.

    Deux monuments aux morts, situés dans la rue du 5 septembre à Fontaine et dans le Bois de la Marche de Forchies, leur rendent hommage. De plus, une rue de Forchies commémore un résistant de la commune depuis 1977 : Raoul Vanderick, chef du secteur du F.I. en 1944 et bourgmestre de Forchies de 1947 à 1965. Son nom demeure ainsi gravé dans la vie quotidienne de la commune, remplaçant l'ancien nom de la rue : Paul Pastur.


    image2.jpg
    Institution : Cercle d'Histoire et d'Archéologie de Fontaine-l'Evêque
    Collection : « L’histoire militaire de Forchies-la-Marche (suite) », dans Regard sur le passé, Bibliothèque communale de Fontaine-l’Evêque, s.d.
    Légende d'origine : Illustration commémorative en hommage aux morts lors des combats à Forchies-la-Marche (1940-1945), s.d.

    Bibliographie

    • Dossier de reconnaissance au statut A.R.A, Forchies-la-Marche, Cegesoma.
    • Archive du Front de l’Indépendance, Musée de la Résistance, Proposition de reconnaissance au statut R.A., Forchies la-Marche.
    • Archives générales du Royaume 2, Archives André Hautain (Groupe G).Historique de la Région VII, 547_FICINV_AA1473.
    • Maerten Fabrice, Du murmure au grondement : la résistance politique et idéologique dans la province de Hainaut pendant la Seconde Guerre mondiale (mai 1940-septembre 1944), vol. I, Mons, Hannonia, 1999.
    • Mairiaux Michel, Le Dico des rues. Fontaine-l’Evêque – Forchies la-Marche – Leernes, Bruxelles, Edition Le Pas des Ages, 2020.
    • Parée Joseph, « Histoire de la ville de Fontaine-l’Evêque », dans Le petit musée virtuel de Fontaine-l’Evêque, http://www.bivort.com/histoire/fontaine02.asp#guerre4045 (consulté le 30/03/23).

    Pour en savoir plus

    27948.jpg Articles Résistance Maerten Fabrice
    164027.jpg Articles Tuerie de Courcelles Maerten Fabrice
    27803.jpg Articles Fontaine-l'Evêque. La Résistance à l'échelon local Salamone    Mathilde
    carte.png Articles Monceau-sur-Sambre. La Résistance à l'échelon local Mathelart Margaux
    cp-mont-sur-marchienne.jpg Articles Mont-sur-Marchienne : la Résistance à l'échelon local Van Splunter Martin
     
    Pour citer cette page
    Forchies-la-Marche: la Résistance à l'échelon local
    Auteur : Leduc Jonas (Institution : Etudiant en histoire, UCLouvain)
    /belgique-en-guerre/articles/forchies-la-marche-la-resistance-a-l-echelon-local.html