Samedi 18 mai 1940, Mont-sur-Marchienne est occupée. Comment la population va-t-elle réagir ? Comme dans d’autres communes de la région, deux groupes de résistance vont y prendre pied : le Front de l’Indépendance et l’Armée Secrète. Cette seconde organisation se montre très active grâce à son «Groupe de choc» dirigé par Raymond Remy et Marcel Gosseye.
Origine du « Groupe de choc »
En septembre 1940, le Commandant Adhémar Lawarie, le Major Alfred Servais et le Lieutenant Louis Tholomé créent un noyau initial de la Légion Belge dans la région hainnuyère qui deviendra plus tard le secteur C20 « Mésange » de l’Armée Secrète de Charleroi. Quelques mois plus tard, en février 1941, le futur «Groupe de Choc» se constitue autour des personnalités de Lucien Burton, Raymond Remy et Marcel Gosseye. Ce groupe de onze hommes est sans arme et sans dispositif de communication. Trois idées majeures les animent : la vocation de résistance armée, l’idéal militaire et l’esprit de corps du chasseur à pied de la caserne Trézignies de Charleroi.
À partir du milieu de l’année 1942, la Légion Belge s’organise et commence à sérieusement à inquiéter l’occupant. Mais en 1942-1943, l’organisation est frappée de plein fouet au niveau de son commandement même si ces événements n’ont guère d’impact à Mont-sur-Marchienne. A l’été 1944, ce sont les combats de la Libération qui mobilisent les esprits. Ceux-ci reposent sous la seule responsabilité du commandant Lawarie car Servais a été tué et Tholomé contraint de fuir. Au mois de juin, le commandant donne l’ordre de former six sections dans la région carolorégienne. Dans la foulée, le « Groupe de choc » est immédiatement mobilisé. Il se révèlera très efficace dans les combats qui mettront un terme à l’occupation allemande dans la région de Charleroi.
Effectif et profil type
L’effectif du « Groupe de choc » est assez difficile à définir. Mais quelques noms reviennent à de nombreuses reprises dans les dossiers. Les responsables évoqués précédemment sont les recruteurs principaux (Burton, Remy et Gosseye). Parmi les membres les plus actifs lors des sabotages, de la réception du matériel et des combats figurent André Leroy, Auguste Gehu, Arthur Baudoux, Opta Huet et Willy Knaepen. Ce noyau dur du « Groupe de choc » d’une dizaine d’hommes se voit complété par une cinquantaine d’habitants de la commune membres de l’Armée Secrète.
Mais qui sont ces résistants ? Le « résistant type » de l’Armée Secrète mont-sur-marchiennoise est un homme (96%), généralement marié (83%) et père de famille (54%). La moyenne d’âge est de 34 ans. Du point de vue professionnel, il est soit artisan ou commerçant (19%), soit employé par la SNCFB (19%). D’autres encore travaillent dans les forces de l’ordre (police : 4% - armée 13%).
Opérations
Les activités principales du « Groupe de choc » sont réparties en trois phases : la résistance au quotidien (1942-1943), la préparation à la mobilisation (avril à août 1944) et les combats de la Libération (septembre 1944).
Entre 1940 et 1942, la plupart des membres de l’Armée Secrète sont principalement actifs dans la distribution de presse clandestine. Les activités de presse du « Groupe de choc » consistent à distribuer divers types de clandestins. L’aide aux réfractaires se développe dans le courant de l’année 1943. L’A.S. de Mont-sur-Marchienne s’investit principalement dans le ravitaillement et la distribution de tickets de rationnement.
La libération en vue
Le 6 juin 1944, les Alliés débarquent : la Libération approche. À Mont-sur-Marchienne, le matériel manque. Pour pallier les manquements logistiques, un large plan de parachutage de matériel est prévu par Londres dès 1943. Sous le commandement de Gosseye et Remy, une plaine non loin du village de Thuillies est désignée comme candidate parfaite pour les parachutages. Les mois d’avril à août 1944 ont été déterminants avec cinq ou six parachutages qui permettent au secteur C20 « Mésange » de s’équiper en armes, explosifs, uniformes et vivres. Ce matériel est principalement dissimulé dans la Ferme Hembise au sud de Mont-sur-Marchienne. Raymond Hembise a rejoint l’Armée Secrète en janvier 1942 et a mis sa ferme à disposition pour cacher des blessés, des réfractaires et du matériel. Dès l’arrivée des premiers équipements, une série de douze opérations impliquant le groupe Remy-Gosseye débute. Celles-ci vont véritablement déstabiliser l’occupant.
Selon les rapports, ces opérations incluent des sabotages qualifiés de « spectaculaires », comme la coupure de la ligne ferroviaire Charleroi-Walcourt ou l’obstruction du tunnel de Jamioulx paralysant des infrastructures cruciales pour les Allemands. Le groupe s’est également illustré dans le transport stratégique de matériel, acheminant explosifs, armes, carburant et vivres à travers la région, sous la menace constante de l’ennemi. Le pont de Bomerée, détruit en août 1944 marque l’apogée des sabotages, tandis que des opérations de renseignement et d’immobilisation de véhicules ennemis accentuent encore la pression sur l’occupant. Ces efforts combinant « audace et efficacité », ont contribué à désorganiser les forces ennemies dans cette période critique.
Le 1er septembre 1944, le Commandant Lawarie se voit sommer de mobiliser ses effectifs afin de soutenir les Alliés. C’est le branle-bas de combat à Mont-sur-Marchienne. Le matériel caché à la ferme Hembise et dans certaines fosses du cimetière communal est préparé et convoyé vers différents points stratégiques situés au sud de la commune. La tension est palpable. Cependant, l’ordre donné par Lawarie stipule bien qu’il faut « éviter tout contact prématuré » avec l’ennemi. Malgré ces consignes claires et dans un contexte d’euphorie, des escarmouches ont lieu dans la commune et ses alentours.
À l’aube du 4 septembre, l’Armée Secrète et son «Groupe de choc» est renforcée par les effectifs des Partisans Armés du Front de l’Indépendance et le Mouvement National Belge. Les équipes se mélangent. Une bonne partie des hommes est envoyée dans le centre de Charleroi. À 10 h, l’hôtel de ville est aux mains de la résistance et des Alliés. Une heure plus tard, la caserne Trézignies est récupérée par les combattants clandestins de l’A.S., du F.I. et par les gendarmes.
Outre ces opérations en ville, deux affrontements entre Allemands et résistants ont eu lieu à Mont-sur-Marchienne et Montigny-le-Tilleul. Vers 8h du matin, un camion allemand tombe en panne au milieu de l’artère principale de la commune. Un groupe de résistants encercle le véhicule. Trois soldats sont tués. En fin de matinée, les quelques membres du « Groupe de choc » restés à Mont-sur-Marchienne et quelques Partisans Armés se dirigent vers Montigny-le-Tilleul pour appuyer la résistance locale. Vers 14h, les 22 partisans se positionnent en haut d’une butte pour surplomber les soldats allemands. Entretemps, le « Groupe de choc » les contourne par la droite via les fourrés. Les Allemands n’ont d’autre choix que de se rendre.
À 18h, le 4 septembre toujours, un dernier soldat SS isolé est arrêté à Mont-sur-Marchienne. Quatre jours plus tard, dans des circonstances imprécises, une douzaine d’Allemands sont interceptés par des résistants : deux d’entre eux sont tués. Cette dernière escarmouche marque la fin des combats de la Libération de Mont-sur-Marchienne. Six Allemands ont été tués et douze ont été faits prisonniers. Du côté de la résistance, les chiffres précis restent inconnus.
Cette absence de données chiffrées est à mettre en parallèle avec le peu de visibilité de cette résistance dans l’espace public. Il y a certes quelques articles qui lui sont consacrés dans la presse locale. Leurs actions figurent également dans des ouvrages parus au lendemain du conflit mais aucun monument ne leur est consacré.
Bibliographie
Hasquin René-Pierre et Close Robert, Les villes libérées : Charleroi, éditions Scaillet, Montigny-le-Tilleul, 1984.
Marquet Victor, Contribution à l’histoire de l’Armée secrète 1940-1944, Bruxelles, Union des fraternelles de l’armée secrète, 6 vol.
Neufort André et Burton Edmond, Il y a trente ans… La Libération de Charleroi, Manage, Éditions Dufour, 1974.
Sevrin André et Bondroit Frans, Mont-sur-Marchienne, Gand, Tempus Publishing, 2003 (Mémoire en Images).
Centre de documentation historique de la Défense, Quartier Reine Elisabeth, rue d'Evere, 1, 1140 Bruxelles, Archives des dossiers de l’Armée Secrète. Et de la Légion Belge de Mont-sur-Marchienne et quelques dossiers généraux.