Née à Bruxelles à l’été 1940, La Libre Belgique-Nouvelle série de guerre, connue des historiens sous le nom de Libre Belgique « Peter Pan » (du nom d’emprunt d’un de ses premiers rédacteurs), marche dans les pas de son illustre prédécesseur de la Grande Guerre. Ce journal, lancé dans un milieu conservateur bruxellois et sous l’influence de la famille Jourdain, s’était appliqué de 1915 à 1918 à réveiller le courage civique des Belges et à tourner en dérision l’occupant allemand. Ses héritiers spirituels veulent faire de même, en adaptant leur combat à l’air du temps et aux possibilités qu’offre leur milieu social.
Une résistance issue de milieux catholiques bruxellois
La Libre Belgique doit sa création à deux avocats catholiques de Bruxelles, Robert Logelain (« Peter Pan ») et Paul Struye (« Scipion l’Africain »). La première édition est imprimée sur les presses de la Banque de Bruxelles, proche du puissant holding Brufina. Les soutiens financiers et moraux du journal viennent de la bourgeoisie catholique, monarchiste et francophone. Ils sont très attachés aux formes traditionnelles de la société libérale, parlementarisme inclus. La Flandre flamingante brille par son absence dans ses pages.
Paraissant d’abord mensuellement et sous une forme stencylée, le tirage de La Libre Belgique en 1940 reste modeste, oscillant entre 1000 et 3000 exemplaires. Il augmente à partir du printemps 1941, lorsque le journal est régulièrement imprimé et que ses réseaux d’information et de diffusion s’étoffent. En avril 1942, il devient un bimensuel de quatre à huit pages, incluant parfois des photos et des caricatures. Son tirage atteint alors plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires, tant dans la capitale qu’en province, grâce à des centaines de bénévoles qui prennent des risques pour le transport.
Le lectorat, principalement issu de la petite et moyenne bourgeoisie, apprécie la qualité des informations et la fraîcheur des nouvelles diffusées par le journal clandestin. Les principaux animateurs, proches du service de renseignements « Zéro », maintiennent des contacts avec Londres. Monarchistes, respectueux du roi Léopold et de la dynastie, ils considèrent également le gouvernement Pierlot, alors à Londres, dans toute sa légitimité. Refusant de débattre de l’avenir du pays avant la fin de l’occupation, ils cultivent des liens réguliers avec Londres. Ils rejettent fermement toute forme de collaboration avec l’occupant. Degrelle, Staf De Clercq et, dans une moindre mesure, Romsée, sont les cibles de leur hargne patriotique, celle-ci allant jusqu’à encourager la résistance violente à partir de 1943. Cependant, cette clandestinité audacieuse n’est pas sans risques.
Une répression constante
La répression de l’occupant n’épargne pas les rédacteurs, diffuseurs et imprimeurs de la « Libre » clandestine. Ainsi, ses directeurs, traqués par l’ennemi, se succèdent rapidement : Fernand Kerkhofs (avril 1941-été 1941), William Ugeux, ancien directeur du XXème Siècle et fortement impliqué dans « Zéro » (été 1941-février 1942), et Mathieu De Jonge, arrêté en février 1943. L’avocat Michel De Brabandere prend ensuite la direction du journal. À ce moment, Logelain, co-fondateur du journal, est déjà arrêté par la police allemande depuis fin 1941. Plusieurs imprimeurs se retrouvent également derrière les barreaux, contraignant le journal à quitter Bruxelles en catastrophe. Il est alors imprimé à Namur (de juin 1942 à mars 1943) et à Liège (d’avril 1944 jusqu’à la Libération). En tout, 176 personnes, principalement des imprimeurs et des distributeurs, trouvent la mort à cause de leur engagement.
Mais un succès éclatant…
Malgré les vagues d’arrestation frappant ses équipes, La Libre Belgique parvient à maintenir sa parution et sa périodicité, quitte à enregistrer parfois un certain retard. Au total, 88 numéros sont publiés, faisant de La Libre Belgique-Peter Pan le journal clandestin le plus célèbre de l’espace francophone.
Après la Libération, le journal revient en pleine lumière sous la forme d’un quotidien. Connu sous le pseudonyme de « Lola » pendant la clandestinité, il est ironiquement baptisée « Léopoldine » une fois le conflit mondial achevé. L’union sacrée est terminée pour la rédaction du journal, et le combat reprend « pour le Roi et la Patrie ».
Bibliographie
Etienne JOSSE, Dirk MARTIN, Yannick HOSTIE, Jacques WYNANTS, Guide de la presse clandestine de Belgique, Bruxelles, CREHSGM, 1991.
Louise DE LANDSHEERE, Les mémoires de Louise De Landsheere. De la Résistance à la marche de la mort, Bruxelles, Collet, 1989.
Etienne VERHOEYEN, La Belgique occupée. De l’an 40 à la libération, Bruxelles, De Boeck Université, 1994, pp. 385-394.