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Institution : CegeSoma/Archives de l'Etat
Collection : Kropf
Légende d'origine : Liège, s.d.
Belgique en guerre / Articles

Liège

Auteur : Colignon Alain (Institution : CegeSoma)

Haut lieu de la résistance ou ville accommodante voire collaboratrice ? Quel est le qualificatif qui présente au mieux le vécu de la Cité ardente, une ville où la souffrance des habitants ne prend pas fin à l’heure de la Libération.

Une ville dans toute sa diversité…

Au printemps 1939, lorsque la ville de Liège inaugure solennellement son « Exposition internationale de l’Eau » couronnant l’ouverture du Canal Albert la reliant à Anvers, toutes les notabilités locales et régionales présentes peuvent croire que les années sombres  de la « grande dépression » sont révolues et que la « Cité ardente » a désormais tous les atouts pour renouer avec les heures les plus fastes de son passé. Mais la guerre va décevoir ces espérances et bousculer la vie de la Cité ardente…

La Ville de Liège constitue de loin le plus grand ensemble urbain de Wallonie. Sa population, en léger déclin,  gravite autour de 155.000 habitants fin 1939. Son bassin économique où l’industrie lourde -charbon et acier - est très présente, en abrite plus de 400.000. Cité aux robustes traditions ouvrières encadrées par des structures politico-syndicales aussi présentes que combattives, la patrie de Notger et de Tchantchès compte également des classes moyennes actives, qu’il s’agisse de commerçants, de fonctionnaires ou de professions libérales. Son université assure le développement des élites  intellectuelles. La presse locale, cinq quotidiens en 1939, est particulièrement bien implantée.

 Liège est également une position fortifiée majeure, chargée de « couvrir » la frontière de l’Est face à l’Allemagne. Elle est également dotée d’une garnison importante, où les officiers cultivent volontiers les traditions militaires. Les vieux forts de 1914, peu ou prou modernisés, ont été complétés dans les années trente par une nouvelle ceinture de grands forts, dont celui d’Eben-Emael, tout au nord, qui passe pour « imprenable »…

Politiquement, la région liégeoise est plutôt à gauche et passe pour un fief du Parti ouvrier belge, qui a obtenu 13 sièges de conseillers aux élections communales d’octobre 1938. Mais il est concurrencé sur sa gauche par le Parti communiste (4 sièges). Les Droites catholiques et libérales ont  respectivement  obtenu 9 et 7 sièges de conseillers communaux… Par contre, depuis  octobre 1938, la poussée d’extrême droite incarnée par le mouvement rexiste (6 sièges) semble brisée.

La Ville est dirigée par une tripartite socialiste-libérale-catholique. Après le décès du bourgmestre libéral Xavier Neujean  qui a impulsé la rénovation socio-économique et urbanistique, Joseph Bologne (1871-1959), vieux militant socialiste (conseiller communal depuis…1899!) est le premier socialiste à occuper le maïorat. Il fait figure de patriote : résistant en ’14-’18, il a été condamné à mort par les Allemands. Le reste du collège se compose de forte personnalités, tels les échevins libéraux Auguste Buisseret et Emile Jennissen, leurs partenaires socialistes Léon Troclet et Georges Truffaut ; les éléments catholiques de la coalition (Félix Depresseux et Octave Lohest) sont certes moins flamboyants, mais néanmoins influents. Cette équipe assez brillante ne connaîtra cependant pas un mandat paisible : l’invasion allemande, le 10 mai 1940, brouille totalement les cartes…

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Institution : CegeSoma/Archives de l'Etat
Collection : Actualit
Droits d'auteur : Droits réservés
Légende d'origine : Une jolie prise de vue en avion de l'exposition internationale de Liège le jour de l'ouverture.
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Institution : KBR
Légende d'origine : La Wallonie, 10 avril 1940, p. 1

Après la résistance des forts, l’heure de l’Ordre nouveau ?

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Institution : Cegesoma/Archives de l'Etat
Légende d'origine : Eben Emael, le plus grand fort de Liège, peu après sa reddition: tel est l'aspect de l'une des entrées du fort
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Institution : KBR
Légende d'origine : Le Pays réel, 7 janvier 1940, p. 1

La bataille de Liège n’a quasiment pas eu lieu, hormis au niveau de la ceinture défensive extérieure. Dès les premières heures du 10 mai, l’ « imprenable »  fort d’Eben-Emael  est neutralisé à coups de « charges creuses » par un commando aéroporté (sa garnison, impuissante, se rend le lendemain…) et le IIIème Corps d’Armée censé sécuriser la place forte doit se retirer moins de quarante-huit heures plus tard. Le 12 mai, en fin d’après-midi, une unité de la Wehrmacht pénètre dans l’hôtel de ville, tombant en pleine réunion du collège échevinal ... Georges Truffaut, officier de réserve, y brille par son absence : après maintes tribulations, il réussit à gagner la Grande-Bretagne et y trouve accidentellement la mort en avril 1942… Si l’agglomération tombe très rapidement sous le contrôle ennemi, les forts sauvent l’honneur, celui de Pépinster-Tancrémont ne se rendant que le 29 mai !

Pendant de longues années, la « Cité ardente » et ses élites politiques et économiques, doivent s’accommoder de l’Ordre nouveau et de l’ Oberfeldkommandantur 589, qui régente les provinces de Liège et de Luxembourg à partir du palais des princes-évêques. La presse libre s’est éteinte ; seul un quotidien censuré, « La Légia », est autorisé à reparaître à partir du 24 mai 1940 dans les locaux de « La Meuse ». Sa rédaction se compose pour l’essentiel de rexistes et d’opportunistes ralliés. Tel quel, comme il détient le monopole de l’information dans l’agglomération et opte pour un ton relativement modéré. Son tirage atteint plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires. Pour le reste, la vie publique fonctionne au ralenti, les partis démocratiques sont suspendus. La vie syndicale « officielle » se réduit aux activités du syndicat unique l’« UTMI » (« Union des Travailleurs Manuels et Intellectuels »), qui végète sur les ruines du syndicalisme pluriel. La seule formation politique ayant pignon sur rue, c’est le Mouvement rexiste de Léon Degrelle, mais ses effectifs ne parviennent pas à décoller : au mieux à peine un bon millier d’adhérents  dans l’agglomération liégeoise durant l’été 1942. Quant aux autres formations ultra-collaborationnistes, comme les Amis du Grand Reich Allemand ou la Communauté culturelle wallonne, fondées à Liège en 1941, elles végètent…

L’accommodation à la Liégeoise

Comme partout ailleurs en Belgique, un certain monde de notabilités traditionnelles reviennent à l’avant-plan dans des organismes caritatifs style « Secours d’Hiver ». Le collège des bourgmestre et échevins , sous la houlette d’un Bologne présidant depuis le 3 octobre 1940 la « Conférence des Bourgmestres de l’Agglomération de Liège » (réunissant 24 communes), essaye de pratiquer une politique de « moindre mal » dans un cadre de vie de plus en plus étriqué. Le 28 mai 1941, les réunions du conseil communal, dernière assemblée démocratique encore en fonction, sont suspendues par l’autorité allemande. Le 7 mars 1941, l’ordonnance « contre le vieillissement des cadres » est promulguée. Elle impose  la mise à la retraite des fonctionnaires et mandataires publics de 60 ans et plus, dégageant autant de places pour les partisans de l’ « Ordre nouveau ». Joseph Bologne (70 ans) réussit sans trop de problèmes à obtenir une dérogation. Au regard de la « Militärverwaltung », il se montre accommodant. Il accepte une certaine centralisation  de l’un ou l’autre service communal  au sein de la « Conférence des Bourgmestres de l’Agglomération liégeoise » et va jusqu’à communiquer à l’ Oberfeldkommandantur, le 6 mai 1941, des listes de militants communistes concoctées avant-guerre par la police communale. Pour Bologne, ce sont de dangereux trublions et on est avant l’invasion de l’Union soviétique par la Wehrmacht…N’empêche : ces listes serviront le 22 juin 1941 à la Sipo-SD. Joseph Bologne, patriote incontestable et fort peu ami du IIIème Reich va également accepter toutes les ordonnances allemandes relatives aux Juifs, du fichage (avec le « Registre des Juifs ») à l’élimination des structures économiques en passant par le regroupement forcé (quelque 3000 personnes concernées). Il faut attendre le 9 juin 1942, pour qu’il refuse d’imposer à sa police la distribution de l’étoile. Ce faisant, il s’inspire de la décision de son collègue bruxellois, Jules Coelst… Néanmoins, il semble que le rôle de la police locale soit plus important dans l’arrestation de Juifs qu’à Bruxelles notamment pour ce qui est de la mise au travail dans des entreprises locales et dans le nord de la France. A l’automne 1942, les Allemands procèdent à d’autres arrestations, semble-t-il sans recourir à l’assistance de la police locale.

 

C’est surtout son opposition à la création du « Grand Liège », fusion de quantité de communes de l’agglomération en une seule entité qui va entraîner l’éviction de Joseph Bologne sous la pression conjointe de la Militärverwaltung  et du secrétaire général de l’Intérieur, le V.N.V. Gerard Romsée. Le 1er août 1942, le lieutenant général Keim, responsable de l’ « OFK 589 »,  lui fait savoir qu’il est relevé de ses fonctions, étant prié de poursuivre son mandat jusqu’à la mise en place de son successeur. C’est chose faite le 1er novembre, un arrêté de Romsée créant dans l’intervalle le «Grand –Liège» à la date du 25 octobre 1942. 

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Institution : Archives de la Ville de Liège
Légende d'origine : Affiche placardée à Liège entre le 18 novembre et le 9 décembre 1940.
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Institution : KBR
Légende d'origine : Le Pays réel, 1er novembre 1942, p. 1.

Une ville collaboratrice ?

Le Grand-Liège est la dernière des grandes agglomérations à voir le jour. Sur le plan démographique,  on passe de 155.000 habitants à une nouvelle entité administrative de  420.000 citoyens après annexion de 29 communes et de tronçons de 6 autres communes. Vu son ampleur, l’entité a été divisée en dix « Districts » pour la police et l’état-civil, avec à leur tête,  un « Chef de district », souvent jeune et ambitieux… Mais les volontaires ne se bousculent pas pour assumer la première magistrature de la Cité. L’avocat rexiste Gérard Willems (né en 1900), qui brigue la charge depuis l’année précédente, accepte de devenir maïeur le 6 novembre 1942 mais, au vu des oppositions (avec menaces de mort), il abandonne le poste le 20 novembre suivant. Plusieurs de ses échevins font de même : l’ex-libéral Henri Chevalier, l’ex-socialiste Jules Dengis… et l’ex-rexiste Marcel Waroux, son principal concurrent. Ils se verront remplacé par des personnalités plus fiables, tandis que qu’un homme à poigne, Théophile Dargent (1899-1946), ancien administrateur colonial devenu en octobre 1941 bourgmestre de Flémalle-Grande puis premier échevin du « Grand Liège » par la grâce de Romsée, accepte d’occuper le maïorat. Son mandat est difficile, en butte à l’hostilité de ses administrés et de la magistrature, qu’il dénonce abondamment à l’occupant. Durant l’année 1943, il s’efforce – sans vraiment y parvenir - de mettre en place des polices parallèles partisanes et proactives, à l’instar de ce qui se pratique dans le Hainaut au même moment (Brigade FIssette, Brigade Funken, Brigade Jadoul,…). L’exécution par la résistance, le 20 novembre 1943,  du commissaire en chef suppléant,  Maurice Joba n’arrange pas la situation. Quelques mois plus tard, deux résistants, déguisés en ouvriers communaux, parviennent à déposer et à dissimuler une bombe à retardement en pleine salle du collège échevinal, entraînant la destruction de celle-ci le 10 mai 1944. Dans le même temps pourtant, les effectifs policiers du « Grand-Liège » (1000 agents en 1943, 1500 en 1944…) ne cessent de croître. A la Libération, le bourgmestre Dargent et ses échevins prennent la fuite en Allemagne L’homme est arrêté et fusillé en janvier 1946 pour collaboration avec l’ennemi.

Une ville résistante !

Malgré cette dimension collaborationniste, Liège peut se targuer d’avoir été, au fil de l’Occupation, à la pointe de l’opposition aux différentes initiatives de l’ « Ordre nouveau ». La germanophobie héritée de la première invasion allemande, en août ’14, est toujours bien présente et a été réactivée à la fin des années trente. Dès la « drôle de guerre », des « anciens » de ’14-’18 se regroupent, reconstituent des réseaux de renseignements en connexion avec les Alliés franco britanniques, s’employant à glaner des informations sur les mouvements de troupes à la frontière de l’est. Ces réseaux, tels le Corps d’Observation Belge de l’illustre Walthère Dewé (l’animateur de la « Dame blanche » en 1917-1918), "L’Epingle noire" ou "L 100" n’attendent que les débuts de la nouvelle occupation pour se réactiver pleinement. Dès l’été 1940, on voit apparaître les premiers journaux clandestins (tels Résurrection, le futur Monde du Travail). D’autres s’y ajoutent, comme Churchill Gazette, ou une édition locale de La Libre Belgique ressuscitée dès l’an ’40, ou une Meuse qui devient l’organe du très influent Front de l’Indépendance…) tant et si bien que le région liégeoise deviendra, après Bruxelles, le deuxième bassin de diffusion de la presse clandestine en Belgique.

Sur le terrain, les premiers signes de résistance sont perceptibles dès octobre 1940 au moins, avec des inscriptions anti-rexistes et anti-allemandes. Elles se multiplient après les manifestations patriotiques (non autorisées) du 11 novembre 1940. Les difficultés de ravitaillement, sensibles dès l’hiver 1940-1941, débouchent, à partir de janvier 1941, sur une série de grèves qui gagnent peu à peu l’ensemble du bassin ouvrier, avec une participation de plus en plus soutenue du PCB et des militants les plus engagés du POB, et ce jusqu’à la fameuse « Grève (dite) des 100.000 », en mai 1941. La manifestation dite « de masse » organisée par le Mouvement rexiste au Palais des Sports, le 5 janvier 1941, a contribué à nourrir l’opposition et la résistance.

Dès le premier hiver d’occupation, les mouvements d’opposition se développent et deviennent peu à peu de véritables mouvements de résistance, de l’Armée Belge Reconstituée à la Légion belge/ Armée de Belgique/Armée Secrète, en passant par l’Armée de la Libération, de tendance démocrate-chrétienne, fort bien implantée dans la région liégeoise, grâce à l’ancien ministre Antoine Delfosse et à ses amis. En août 1941 nait en outre à Liège un "Front Wallon pour la Libération du Pays", matrice « tripartite » (des « anglophiles, des communistes, des militants wallons) d’un futur Front de l’Indépendance. Le PCB, qui a pleinement basculé dans la lutte contre l’occupant après l’invasion de l’Union Soviétique (22 juin 1941), y est très bien représenté… Même les « fascistes patriotes » (et très anti-allemands) de l’avocat liégeois Paul Hoornaert  finissent par glisser dans la résistance à partir de septembre 1941, rejoignant ainsi la Légion belge (et future Armée Secrète)... Pendant ce temps, Walthère Dewé a réussi à renouer avec Londres, et à transformer son "Corps d’Observation Belge" en un réseau de renseignements passant pour redoutablement efficace sous le nom de Clarence. Abattu fortuitement par les Allemands en janvier 1944 dans la région bruxelloise, son prestige et son image contribuent à l’image d’une «  Cité ardente » très résistante, d’autant plus qu’un de ses quasi-contemporains, le co-fondateur du très belgiciste Mouvement National Belge, Camille Joset (1879-1958) est également originaire des environs de Liège…Enfin, épinglons le fait qu’un des premiers et des plus actifs Comités de Défense des Juifs, rattachés au Front de l’Indépendance, évolue en région liégeoise depuis septembre 1942 suite à l’initiative d’un ingénieur des mines sorti de l’ULg, Ghert Jospa. Dans le sauvetage des enfants, il trouve d’utiles appuis auprès de différents réseaux catholiques, tels celui de l’avocat Max-Albert van den Berg, de l’abbé Meunier, de Georges Fonsny, tous mandatés par l’évêque Louis-Georges Kerkhofs (lequel s’activera pour cacher le rabbin Joseph Lepkiffer et sa famille… à Banneux !).

Mais la résistance est traquée par l’occupant sous le commandement de deux redoutables responsables locaux de la Sipo-SD, Georg Graff puis Eduard Strauch. Ce  dernier devient Kommandeur de la Sipo-SD pour l’ensemble de la Wallonie à partir de mai 1944. Les officines policières allemandes réussissent quelques beaux « coups », en décapitant notamment le 26 avril 1943 la direction d’une partie de l’Armée de Belgique et en arrêtant son chef, le colonel Jules Bastin lors du « traquenard du Thier de Robermont ». Au printemps 1944, ce sont surtout les groupes de « Partisans Armés » communistes qui sont frappés, leur chef, l’avocat bruxellois Robert Lejour étant abattu dans sa cellule de la Citadelle le 31 août 1944. Il est loin d’être le seul : au total, quelque 412 détenus périssent dans la citadelle de Liège : 324 exécutions par fusillade, 83 détenus abattus et 4 pendus en cellule…Les dernières exécutions massives se dérouleront à la veille de la Libération, essentiellement, mais pas exclusivement lors de la répression consécutive aux combats avec la résistance de l’Armée secrète, du côté de Forêt-Trooz, en Ardenne liégeoise. Les 5 et 6 septembre 1944, il y a plusieurs dizaines de victimes, dont 36 à Forêt-Trooz et 22 au pont-barrage de l’île Monsin.  

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Institution : CegeSoma
Légende d'origine : Le Monde du Travail, n°63, oct. 1942
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Institution : CegeSoma
Légende d'origine : La Meuse, oct. 1941

Une ville libérée, mais pas une ville en paix…

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Institution : CegeSoma
Légende d'origine : La Meuse, sept. 1944

Le 29 août 1944, la Sipo-SD est placée en état d’alerte maximal, et les services de l’Oberfeldkommandantur 589 préparent leur évacuation tandis que le dernier convoi de la déportation quitte la gare des Guillemins le 30 août. Début septembre, le mouvement s’accélère, les routes se chargeant de troupes allemandes en retraite. Le 7 septembre, pour ralentir quelque peu la progression des unités blindées U.S. qui les talonnent, la Wehrmacht fait sauter des charges d’explosifs à hauteur des carrefours occidentaux de la ville. L’objectif est de perturber le trafic le plus longtemps possible. L’explosion apparemment prématurée d’une de ces charges, à hauteur du carrefour de Fontainebleau, dans le quartier de Sainte-Marguerite provoque un terrible drame : pas moins d’une centaine d’habitants perdent la vie…Au soir de ce jour tragique, la rive gauche de la Meuse est libérée par les soldats de la 3th Armored Division U.S et le bourgmestre Bologne, applaudi par la population, rejoint triomphalement l’hôtel de ville. Mais tous les ponts ont sauté et l’ennemi se maintient encore le lendemain sur la rive droite. Pas de chance pour Bologne : à peine avait-il eu le temps de présider le 11 septembre la première Conférence des Bourgmestres d’une Agglomération liégeoise dégagée de toute présence ennemi qu’il doit démissionner en octobre suite aux attaques l’accusant d’avoir livré des listes de militants communistes aux Allemands en mai 1941 ! C’est l’avocat socialiste Paul Gruselin (1901-1985) qui le remplace.

Comme partout en Belgique, c’est l’heure de la répression à l’encontre de ceux qui sont soupçonnés d’avoir collaboré avec l’occupant. En l’espace de quelques jours, de 2000 personnes se retrouvent incarcérées à la Citadelle, à la prison Saint-Léonard ou à la caserne Fonck.

Mais la guerre n’est pas finie. A partir du 26 septembre, les Allemands lancent sur la ville quelques fusées de type V2 (17 au total), bientôt suivies, dès le 4 octobre, d’un pilonnage plus systématique avec des missiles de type V1 (1592 sur l’arrondissement, en trois vagues jusqu’en février 1945). Ces « armes secrètes » causeront la mort de 1649 personnes, infligeant de surcroît d’immenses dégâts au patrimoine immobilier, notamment dans le centre historique (place du Marché, Féronstrée, Hors-Château, etc, etc…). Certains ne seront jamais vraiment réparés.

En mai 1945, Liège renoue enfin avec la paix. Si la ville a souffert, son bassin industriel est à peu près intact, mais il a beaucoup vieilli. Sur le plan humain, le bilan est lourd également. Outre de nombreux résistants et victimes des bombardements, plus de 700 Juifs – soit 33,9% de la communauté locale - n’ont pas survécu à la guerre. 

​Bibliographie

Francis BALACE, "Aspects de la résistance en province de Liège", dans Libération-Nos libertés retrouvées. La mémoire, Liège, Province de Liège, 1994, pp.75-101.

Paul BRONZWAER, Maastricht en Luik bezet. Een comparatief onderzoek…, Hilversum, Verloren Uitg., 2010.

Eddy De BRUYNE, "Le Grand Liège. Octobre 1942-septembre 1944", dans Bulletin d’Information du C.L.H.A.M., T. XII, Fasc.3, n°135 de juillet-août-septembre 2013, pp.33-42.

Gilbert MOTTARD, Des administrations et des hommes dans la tourmente. Liège 1940-1945, Bruxelles, Crédit communal, 1987.

Thierry ROZENBLUM, Une cité si ardente…Les Juifs de Liège sous l’occupation (1940-1944), Bruxelles, Luc Pire, 2009.


Voir aussi

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Pour citer cette page
Liège
Auteur : Colignon Alain (Institution : CegeSoma)
https://www.belgiumwwii.be/belgique-en-guerre/articles/liege.html