Principal porte-parole du trotskysme belge francophone durant l’occupation nazie, La Voie de Lénine commence à paraître au printemps 1941.Ce clandestin est en quelque sorte l’héritier bruxellois d’une vague feuille du même nom née à la fin de la « drôle de guerre ». La Voie de Lénine entend s’inscrire dans le combat du Parti Socialiste Révolutionnaire d’avant-guerre mais elle le fait dans des conditions encore bien plus difficiles, prêchant pour un public encore plus clairsemé que naguère et cette fois sous la menace directe des polices allemandes.
Le premier numéro de ce clandestin date probablement du mois de mai 1941. Il se présente au départ ronéotypé sur six pages de deux ou trois colonnes et se targue d’une parution mensuelle…Mais sa périodicité est loin d’être aussi régulière dans les faits. La feuille finit toutefois par être imprimée (son imprimerie, dissimulée dans une galerie de mine du bassin de Charleroi, émigre à Liège pendant deux ans avant de revenir à Bruxelles…). Le journal se présente d’abord comme l’ «Organe de la Section belge de la IVème Internationale» puis, en décembre 1941, comme l’ «Organe du Parti Communiste Révolutionnaire-Section belge de la IVème Internationale» avant de s’afficher ouvertement comme «trotskyste» à partir d’octobre 1943. Ces mutations dans la présentation ne lui assurent pas vraiment sa prospérité. Le journal ne tire qu’à 300 ou 400 exemplaires au maximum, cette faible diffusion lui permettant peut-être de survivre longtemps sans trop se faire remarquer par l’occupant.
Si le public le boude, c’était peut-être en raison de sa dialectique très particulière… et pour tout dire longtemps très sectaire et centrée sur la querelle « Trotsky-Staline ». Son principal rédacteur, le jeune Abraham Waynzstok, dit « Abraham Léon » (1918-1944), connu pour être l’auteur de La conception marxiste de la Question juive, entend positionner le journal comme un éveilleur de la conscience prolétarienne et un ferme soutien au combat de l’armée rouge…tout en luttant contre « le stalinisme réactionnaire » et « la dictature bureaucratique » en vigueur en Union soviétique. A l’heure où le combat de l’armée rouge, par sa résistance face à l’envahisseur nazi, constitue une source d’espoir pour quantité d’éléments hostiles au «Nouvel Ordre Européen» et surtout dans la classe ouvrière, ce discours passe pour inopportun. D’autant plus que, parallèlement, La Voie de Lénine entend aussi combattre tant « l’impérialisme allemand » que « le capitalisme anglo-saxon » ou encore « le patronat belge ». Le journal condamne de surcroît tous les autres mouvements de résistance (« des réactionnaires »), y compris les communistes orthodoxes, qualifiés de « contre-révolutionnaires ». On comprend que de tels propos expliquent son faible écho. Suscitant l’hostilité des communistes orthodoxes, La Voix de Lénine a prêché dans le vide, comme sa consœur flamande, De Eenige Weg (devenue Klassenstrijd en 1943) et n’a survécu que grâce à un mince réseau de partisans coupés du monde réel.
José GOTOVITCH (dir.), Guide de la presse clandestine de Belgique, Bruxelles, Centre de Recherches et d'Etudes historiques de la Seconde Guerre Mondiale, 1991, IV + 214 p.
Marc LORNEAU, "Le mouvement trotskyste belge : septembre 1939-décembre 1964", dans Courrier Hebdomadaire du CRISP, n°1062-1063 du 21 décembre 1984.
La Voie de Lénine, consultation en ligne: https://warpress.cegesoma.be/f...
De eenige weg, consultation en ligne: https://warpress.cegesoma.be/f...
