Belgique en guerre / Articles

Rassemblement démocratique et socialiste wallon

Thème - Résistance

Auteur : Colignon Alain (Institution : CegeSoma)

Le Rassemblement démocratique et socialiste wallon (RDSW), né dans la région liégeoise en décembre de 1942 à la suite de conciliabules discrets, procédait d’une volonté de renouvellement de l’espace politique, une fois la Belgique libérée. Réunissant des personnalités naguère proches de la Ligue d’Action wallonne mais aussi des libéraux de gauche et des socialistes modérés de facture plus traditionnelle, ce mouvement en devenir et qui envisagea, un temps, de se structurer en un véritable parti dans l’après-guerre, avait été initié par deux jeunes libéraux de tendances « radicales-socialistes » (dans l’acception française du terme), Fernand Schreurs (1900-1970) et Fernand Dehousse (1906-1976).  

Beaucoup d’ambitions…

Au départ, les deux hommes placent la barre assez haut : ils ambitionnent de profiter des moments de recueillement et d’abstention imposés aux démocrates par la guerre pour étudier à tête reposée le statut futur de la Wallonie dans une option fédéraliste  (la passion de Dehousse), sans rejeter l’idée d’une « république wallonne » peu ou prou liée à la France gaulliste (le dada de Schreurs). Comme tant d’autres progressistes à l’époque, ils envisagent sans frémir l’idée de procéder à la nationalisation de grands secteurs économiques, charbonnages ou aciéries. Le groupe qui se crée dans le sillage - plusieurs dizaines de personnes au fil des mois-  réunit pour l’essentiel des notabilités issues de la mouvance laïque et quelques personnalités issues de la démocratie chrétienne. On y retrouve pêle-mêle Joseph Merlot (bourgmestre de Seraing, ancien ministre et…futur président du Congrès National Wallon d’octobre 1945), Paul Gruselin (futur bourgmestre de Liège), Nestor Miserez (futur directeur de La Nouvelle Gazette de Charleroi), Léon-Eli Troclet, Albert Delpérée, etc…Début 1943, le groupe s’étoffe et essaime dans l’ensemble de la Wallonie, de Tournai à Marche-en-Famenne et de Namur à … Bruxelles. Mais cela demeure souvent au niveaux de contacts isolés ou ponctuels : le cœur du mouvement demeure très majoritairement liégeois, vu les difficultés de déplacement sous l’Occupation. Fort au bout du compte de 150 ( ?) membres à l’été 1943, le Rassemblement fonctionne sur base de « Commissions de Travail » chargées d’étudier les problèmes de la Wallonie libérée. Cirons la « Commission des Affaires étrangères », la « Commission des Affaires économiques ». Au fil des débats, les esprits les plus lucides mettent entre parenthèses la question de l’intégration dans la République française dans la mesure où cette option fait polémique et risque de surcroît d’être impossible vu les dispositions de la « Charte de l’Atlantique ». Il est toutefois décidé  d’organiser un référendum, une fois la Libération acquise et la paix rétablie. Les citoyens seraient invités à se prononcer démocratiquement sur le devenir de la région en leur proposant les options de l’indépendance, du fédéralisme, du rattachement à la France ou de la mise en place d’un « Etat socialiste ». Cette dernière hypothèse avait été « soufflée » par l’équipe du journal clandestin Le Monde du Travail. A l’initiative de François Van Belle, celle-ci s’est rapprochée du Rassemblement à partir de juin 1943 sans pour autant renoncer à ses idéaux socialistes. D’autres discussions se mènent parallèlement au sein de la fédération liégeoise au sein du futur Parti Socialiste Belge, au sein de la famille démocrate-chrétienne.  

299767-proclamation-rdsw.jpg
Institution : Cegesoma/Archives de l'Etat
Légende d'origine : Proclamation du RDSW, s.d.

Mais un destin qui tourne court…

299780.jpg
Institution : Cegesoma/Archives de l'Etat
Légende d'origine : RDSW, Programme de politique intérieure, s.d.

Très attachés à l’option fédéraliste et finissant par douter qu’un quelconque RDSW puisse trouver sa place dans un système belge à nouveau balisé par le retour prévisible des familles politiques traditionnelles, Dehousse et ses amis se détachent de l’organisation en juillet 1943 pour rejoindre le Parti Socialiste Belge en voie de renaissance. Le Rassemblement poursuivit néanmoins ses travaux sous la houlette de François Van Belle et de Fernand Schreurs, privilégiant l’idée d’une indépendance à peu près totale de la Wallonie assortie d’une entente militaire avec  Paris et esquissant un projet de constitution  dans ce sens. Après maintes cogitations, une formule de confédéralisme à trois est rédigée. Mais l’énergie n’y est plus et le groupe se disloque peu à peu. Reste de ces discussions, des projets qui se retrouveront au cœur des débat du Congrès national wallon d’octobre 1945 et une fédération liégeoise du PSB gagnée à l’idée du fédéralisme.

 

Bibliographie

Delforge Paul, "Rassemblement démocratique et socialiste wallon" in Encyclopédie du Mouvement wallon (sous la direction de Paul Delforge, Philippe Destatte et Micheline Libon), Charleroi, Institut Jules Destrée, tome 3, 2001, pp. 1339-1345.

Gihousse Marie-Françoise, Mouvements wallons de résistance, mai 1940 - septembre 1944, Charleroi : Institut Jules Destrée, 1984.

Kesteloot Chantal, Au nom de la Wallonie et de Bruxelles français. Les origines du FDF, Bruxelles, Complexe/Ceges, 2004.

Voir aussi

soma_bg668_1942-07-14_01_050-00001-wl-100-entAte.jpg Articles Wallonie libre (La) Kesteloot Chantal
130346-liAge.jpg Articles Liège Colignon Alain
Pour citer cette page
Rassemblement démocratique et socialiste wallon
Auteur : Colignon Alain (Institution : CegeSoma)
https://www.belgiumwwii.be/belgique-en-guerre/articles/rassemblement-democratique-et-socialiste-wallon.html