Belgique en guerre / Personnalités

de Schoutheete de Tervarent Guy

Thème - Diplomatie

Auteur : Auwers Michaël (Institution : Cegesoma/Archives de l'Etat)

Le chevalier Guy de Schoutheete de Tervarent (1891-1969), issu d'une famille noble de Flandre orientale, a rejoint le corps diplomatique belge pendant la Première Guerre mondiale. Une guerre mondiale plus tard, il est dans l'œil du cyclone en tant que chef de la légation belge au Caire.

Début de carrière

Le jeune Guy de Schoutheete est appelé à servir dans l'armée belge après l'invasion allemande de l'été 1914. Bien qu'il se soit distingué lors du repli en direction de la France, il opte pour une carrière diplomatique en 1915. En poste à La Haye pendant la guerre, il passe ensuite en Asie de l'Est dans les années 1920, puis en Europe centrale, où il est autorisé pour la première fois à diriger une mission à Budapest au début des années 1930. Entretemps, il épouse une Française, Jeanne Darcy, à Paris. Son deuxième poste, au Caire, est très proche du front après le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. La capitulation du 28 mai 1940 porte atteinte à la réputation de la Belgique et provoque en outre une grande division au sein de la communauté belge d'Égypte.

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Institution : KBR
Légende d'origine : L'indépendance belge 17 12 1937 p. 1

Comment la cause royale fut défendue au Caire

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Institution : Cegesoma/Archives de l'Etat
Légende d'origine : Comment la cause royale fut défendue au Caire

En tant que représentant officiel de la Belgique, Schoutheete ne tarde pas à se trouver sous le feu des critiques. Il est d'ailleurs mis en congé à la fin de l'année 1941, avant d'être officiellement rappelé au printemps suivant. Le diplomate rédige alors un document de 18 pages pour plaider sa cause. Le titre est significatif: Comment la cause royale fut défendue au Caire. Il s'agit donc de la cause du roi et non de la cause belge, bien qu’à ses yeux, les deux soient étroitement liées. Mais de Schoutheete se considère toujours, avant tout, comme le représentant de Léopold III (auprès du roi d'Egypte). Le choix du titre n'est cependant pas une prise de position dans le conflit qui oppose le roi et le gouvernement, mais plutôt l'expression de la manière dont la plupart des aristocrates interprètent leur fonction diplomatique.

Le document est rédigé de manière chronologique mais développe en réalité deux arguments. Le premier porte sur les actions concrètes entreprises par de Schoutheete pour restaurer la réputation de son souverain (et de l'armée belge). Dans un premier temps, celles-ci se limitent nécessairement à rappeler à l'ordre les rédacteurs de la presse égyptienne expatriée qui diffusent l'accusation répandue de "trahison" de Léopold III. De Schoutheete tente de faire publier des corrections. Celles-ci ne parviennent toutefois pas à franchir le cap de la censure britannique. Dans un deuxième temps, le diplomate informe, par le biais de circulaires, les notables belges, européens et égyptiens des publications de la presse occidentale qui réfutent les accusations portées à l’encontre de Léopold III. Ce n’est cependant que juste avant son congé forcé à la fin de l'année 1941 qu’il obtient son principal succès. Il rédige alors un article défendant le roi et réussit à le faire publier dans le principal journal francophone d'Égypte. Cela suscite en lui la réflexion suivante : "J'avais accompli une part, et non la moindre, de ma mission en Égypte".

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Institution : Cegesoma/Archives de l'Etat
Légende d'origine : Comment la cause royale fut défendue en Egypte

Le deuxième argument de Comment la cause royale met en exergue le fait sa mission a été fortement entravée par des tentatives persistantes d'usurpation de ses fonctions. Celles-ci proviennent principalement de personnes extérieures à la sphère diplomatique. Par exemple, Maurice Jacquet, l'un des principaux conseillers du roi d'Égypte, semble avoir tenté à plusieurs reprises de prendre la tête de la communauté belge et de s'ériger en ministre plénipotentiaire, notamment en réunissant les Belges au sein de l'Union des Belges d'Égypte. Selon de Schoutheete, il s'agit d'un "organisme qui se serait substitué au représentant de la Belgique". Le diplomate refuse de donner son accord à de telles initiatives, estimant qu’"aucun Ministre des Affaires Etrangères ne saurait admettre qu'un agent, responsable devant lui, se dessaisisse d'une part normale de son activité en faveur d'un organisme irresponsable".

Cependant, de Schoutheete se trompe de cible. Spaak a d’abord témoigné d’une grande confiance à l’égard de Jacquet, à tel point qu'il se laisse convaincre d'envoyer Georges Delcoigne, un diplomate hostile à de Schoutheete, au Caire avec un code secret afin d’informer le gouvernement des actions du chef de poste belge. Au final, cette manœuvre est déterminante dans le départ de de Schoutheete d'Égypte.

Le document Comment la cause royale fut défendue au Caire n’est évidemment pas un compte rendu objectif des activités de Schoutheete dans la capitale égyptienne. Il s'agit plutôt d'une apologie destinée à démontrer, par une représentation sélective des faits, que le diplomate était droit dans ses bottes. En même temps, il donne des indications cruciales sur la manière dont des membres du corps diplomatique belge se représentent, cherchent à protéger leur fonction des ingérences extérieures et relèvent les défis auxquels sont confrontés la diplomatie en temps de guerre.

Une fin honorable pour une carrière mouvementée

L'argumentation de de Schoutheete rencontre un certain succès. Pendant la guerre, il se voit proposer plusieurs autres postes et, à partir de 1945, il est autorisé à représenter la Belgique à Copenhague. L’apogée de sa carrière diplomatique survient au début des années 1950, lorsqu'il se voit confier le poste d'ambassadeur à Tokyo.

Sa retraite lui laisse plus de temps pour s'adonner à sa passion : les arts visuels. En effet, de Schoutheete est un collectionneur passionné et, surtout, un connaisseur de la peinture médiévale et du début des temps modernes. Entre 1929 et sa mort, quarante ans plus tard, il publie de nombreux ouvrages sur ces sujets et publie de nombreux articles dans les plus grandes revues d'art.

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Institution : KBR
Légende d'origine : Le Soir 18 11 1969 p. 14

Bibliographie

CegeSoma, Bestand Guy de Schoutheete (blok 777 AA860), nr. 1, Note du chevalier G. de Schoutheete Comment la cause royale fut défendue au Caire, s.d. 

Koninckx, Maria-Helena, De Belgische diplomatieke dienst. Biografisch en sociaal-economisch profiel van de diplomatieke posthoofden in de periode 1920-1940, mémoire de Master, Université de Gand, 1985, p. 152-155.

Pierret, Thomas, « Les Belges d’Égypte pendant la Seconde Guerre Mondiale. Une communauté isolée face aux ‘deux politiques belges de 1940’ », in Cahiers d'Histoire du temps présent 11, 2003, p. 119-160.

Roberts-Jones, Philippe, « de Schoutheete de Tervarent, Guy », in Nouvelle Biographie Nationale 10, Bruxelles, 2010, p. 155-156.

Pour citer cette page
de Schoutheete de Tervarent Guy
Auteur : Auwers Michaël (Institution : Cegesoma/Archives de l'Etat)
https://www.belgiumwwii.be/belgique-en-guerre/personnalites/de-schoutheete-de-tervarent-guy.html