Belgique en guerre / Personnalités

Dewez Jacques

Thème - Collaboration

Auteur : Wouters Nico (Institution : CegeSoma)

Partisan d’Henri De Man de 1936 à 1941, ce gouverneur de guerre de la province de Luxembourg tombe sous la coupe de Léon Degrelle et de Rex à partir de 1942. Il représente une forme radicale de collaboration administrative, mais n'est cependant pas mêlé à de graves actions répressives, si bien qu’il n’est que légèrement sanctionné après-guerre. 

Prélude

Né à Saint-Gilles le 20 novembre 1911, Jacques Dewez devient docteur en droit en 1935. De 1935 à 1943, il est inscrit comme avocat au barreau de Bruxelles.

Avant l'occupation, il suit un parcours politique plutôt inhabituel. Issu du mouvement catholique et membre du "Front Catholique des Jeunes", il rallie le Parti ouvrier belge en 1936 sous l’influence d'Henri de Man. Ainsi, sur le plan idéologique, on peut donc le qualifier de 'De Maniste'. Il s'occupe surtout de formation et d’éducation des jeunes travailleurs dans les Centres d'Éducation ouvrière. Il devient ensuite journaliste pour la revue socialiste 'Leiding' (1939-1940). Il participe à la campagne des dix-huit jours comme officier de réserve du troisième régiment des carabiniers. Prisonnier de guerre, il est libéré le 11 juin 1940.

31303-dewez.jpg
Institution : CegeSoma/Archives de l'Etat
Légende d'origine : Jacques Dewez, s.d.

Nomination comme gouverneur

pays-rAel-dewez.png

En 1940, Dewez espère former un gouvernement sous la direction d'Henri De Man. Il ne joue aucun rôle politique actif, mais se fait connaître, selon ses propres dires, en 1943 par l’entremise de ses contacts avec Gerard Romsée, secrétaire général à l’Intérieur qu'il connaissait depuis son réseau de contact louvaniste. 


Il semble également développer d'assez bons contacts avec Rex, bien qu'il ne devienne pas membre du parti. Le 19 mai 1943, il est nommé commissaire d'arrondissement de Nivelles. En cette qualité, il s'exprime comme partisan de la 'juridiction administrative' réprimant les infractions aux mesures de rationnement. C'est sans doute en partie pour cette raison que Romsée soutient sa nomination comme gouverneur de la province de Luxembourg, sa nomination est effective le 1er mai 1944. Rex est très faible dans cette province. Suite à la démission du gouverneur René Greindl, aucun remplaçant potentiel ne se profile à l'horizon. Nommé avec le soutien de Rex, Dewez est considéré comme le candidat du parti, bien qu'il n'en soit pas membre. Cependant, à l'approche de sa nomination, il se distancie de Rex et du VNV. Il trouve peu judicieux que les occupants se servent de partis collaborateurs marginaux et sans légitimité. En 1943, il semble encore favorable à une sorte de projet national belge autoritaire, mais en même temps, il est réaliste et préconise de restaurer d'abord 'l'ordre national'. 

En 1944, quatre rexistes sont encore nommés à la députation permanente du Luxembourg : Albert Thiry de Saint-Mard, Jules Lardinois (un avocat de La Roche), Nicolas Muller d'Arlon (membre du Deutsches Sprachverein) et Henri-Jean Joseph Parmentier (un agriculteur de Hour). Néanmoins, Rex manque d'assise locale et ne réussit pas à noyauter les administrations de la province.

 

Gouverneur de guerre

Comme gouverneur, Dewez se montre partisan d'une ligne dure. Deux faits 'à charge', alors qu'il est encore commissaire d'arrondissement de Nivelles, jouent un rôle important dans son procès d'après-guerre. Tout d'abord, en février et mars 1944, Dewez se plaint auprès de la Kreiskommandantur de l'attitude laxiste du parquet de Nivelles dans la répression de la résistance. Le procureur du Roi de Nivelles est dès lors convoqué par les forces d'occupation et de nombreux dossiers du parquet sont confisqués lors de perquisitions au palais de justice de Nivelles. Le procureur général de Bruxelles, Charles Collard, proteste officiellement contre cet incident. Dewez est ensuite impliqué dans la condamnation par le tribunal militaire allemand de neuf agriculteurs pour avoir enfreint les règles en matière de ravitaillement. Il continue à soutenir la juridiction administrative et participe à des événements organisés par des rexistes. En 1944, il transmet également des ordonnances allemandes illégales comme celles concernant la garde de transports allemands et la réalisation d’ouvrages de fortifications pour l’occupant. En juin-juillet 1944, il ordonne aux bourgmestres de faire creuser des tranchées, sans mentionner qu'il s'agit de travaux militaires à l’initiative des Allemands.

Radicalisation et procès

Dewez poursuit son parcours idéologique étonnant et plutôt paradoxal. Il suit Degrelle dans sa radicalisation rapide après 1943 et devient même une sorte d'homme de confiance. Du fait de son attitude ouverte en matière de collaboration, Dewez est une cible. Il est protégé par la milice rexiste qui menace d'exécuter des otages si quoi que ce soit lui arrive. Cependant, aucun incident grave ne se produit et il n'est pas directement impliqué dans des actions majeures de répression.

Comme gouverneur, Dewez participe aux préparatifs de l'évacuation et au maintien de l'ordre par les rexistes en cas d'invasion alliée. À la libération, il suit les armées allemandes dans leur retraite. Pendant l'offensive des Ardennes, il fait partie du noyau dur entourant Degrelle, qui prépare un nouveau gouvernement de collaboration en Wallonie. Il est arrêté en juin 1945 alors qu'il traverse la frontière.

Dewez est condamné à vingt ans de travaux forcés par le tribunal militaire de Liège le 31 mai 1946, peine confirmée en appel par la cour martiale. Les accusations portées par le parquet de Nivelles sont particulièrement sévères. Sa peine est limitée par une mesure de clémence, dans laquelle, comme c'est souvent le cas, le contexte social et familial joue un rôle majeur.

 

avenir-du-luxembourg-21-2-1946-p-1.png

Bibliographie

Nico WOUTERS, Oorlogsburgemeesters 40-44. Lokaal bestuur en collaboratie in België, Tielt, 2004.

Nico WOUTERS, De Führerstaat. Overheid en Collaboratie in België (1940-1944), Lannoo, Tielt, 2006.

Pour citer cette page
Dewez Jacques
Auteur : Wouters Nico (Institution : CegeSoma)
https://www.belgiumwwii.be/belgique-en-guerre/personnalites/dewez-jacques.html