Belgique en guerre / Articles

Epuration administrative

Thème - Collaboration - Justice

Auteur : Campion Jonas (Institution : UCL-CHDJ)

L’épuration administrative est une des formes de la répression de la collaboration. Dynamique complémentaire à la répression pénale, elle a pour objet l’examen et la sanction éventuelle, sur le plan disciplinaire, du comportement adopté durant la guerre par les agents titulaires d’une fonction publique.

Une épuration à l’identité plurielle

L’épuration administrative est une réalité hybride. D’abord, elle s’ancre dans une volonté de procédure et de contexte d’exception mais reste marquée par le cadre disciplinaire normal des fonctionnaires (notamment le statut Camu de 1937). Ensuite, elle concerne l’attitude des fonctionnaires durant la guerre, mais interroge également de manière plus générale leurs pratiques et valeurs traditionnelles.

Sa difficulté majeure est de définir le sens de la collaboration professionnelle, entre convictions personnelles, ‘moindre mal’, légitimité, légalité et efficacité de l’action publique. De plus, la notion d’agent public y est envisagée dans un sens large. Ce sont aussi bien les employés des administrations centrales, ministérielles, locales, d’organes para-publics mais également certains agents privés qui doivent rendre des comptes à la libération. Finalement, elle oscille entre mesures collectives et individuelles.

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Institution : Archives Gand
Légende d'origine : Non légendée

Un processus aux impacts multiples

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Institution : AGR
Légende d'origine : Non légendée
Légende Web : Afin de pouvoir évaluer l'attitude du fonctionnaire pendant l'Occupation, les commissions d'enquête se b asent généralement aussi sur les témoignages de collègues.

La base légale de l’épuration administrative est plurielle. Elle repose à la fois sur des textes d’avant-guerre et sur une législation adéquate, pensée à Londres puis à Bruxelles. Plusieurs textes participent, de manière directe ou non, à développer ce mode de sanction. D’abord, l’arrêté du 8 mai 1944 sur les fonctions publiques en fixe déjà certaines balises.

Ensuite, l’arrêté-loi établissant des commissions d’enquête dans les administrations de l’État est promulgué le 25 septembre 1944. Il constitue la base légale ou l’inspiration sur laquelle se fonde l’épuration dans de nombreuses institutions. Menant enquête, les commissions remettent à l’autorité de tutelle des avis concernant l’attitude adoptée par les agents durant l’Occupation. Cette dernière décide de la sanction adéquate (perte de traitement, mutation, fin de l’avancement, démission, mise à la retraite,…).

Enfin, l’arrêté-loi du 19 septembre 1945 instaurant l’épuration civique, par les interdictions de carrière qu’il promeut pour les personnes inscrites sur les listes d’épuration civique, constitue un volet complémentaire de ce cadre législatif.

Dès 1945, l’épuration bascule dans le temps des appels. Ce processus s’inscrit dans la durée, puisque des arrêtés pris en 1951 d’abord, puis en décembre 1953 permettent d’introduire des recours quant aux sanctions prononcées.

Mesurer l’impact de cette forme d’épuration n’est pas aisé. Il varie selon les institutions, selon l’échelle des sanctions prononcées et doit être envisagé au prisme des appels. Il ne faut pas négliger les questionnements identitaires qu’induit cette épuration, ainsi que ses conséquences individuelles.

Bibliographie

Aerts, Koen. « Repressie zonder maat of einde? » De juridische reïntegratie van collaborateurs in de Belgische Staat na de Tweede Wereldoorlog. Gent: Academia Press, 2014.

Campion, Jonas. « D’une politique institutionnelle aux destins individuels : le temps long de l’épuration de la gendarmerie belge après la Seconde Guerre mondiale ». Histoire et mesure 29, no 2 (2014): 65‑84.

Huyse, Luc, et Steven Dhondt. La répression des collaborations 1942-1952 : un passé toujours présent. Bruxelles: CRISP, 1993.

Matthe, Sis. « Het ‘ tweede deel’ van de repressie. De vrijlatings- en strafverminderingspolitiek na de Tweede Wereldoorlog ». MA Thesis, Universiteit Gent, 2002.

Rase, Céline. Des ondes impures à l’épuration des ondes. Contribution à l’histoire de la radio, des collaborations et des répressions en Belgique (1939-1950). Namur: Presses universitaires de Namur, 2017.


Pour en savoir plus...

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Pour citer cette page
Epuration administrative
Auteur : Campion Jonas (Institution : UCL-CHDJ)
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