En mai 1940, Hubert a quinze ans. Trop jeune pour répondre à l’appel du gouvernement demandant aux hommes de 16 à 35 ans de rejoindre la France. Hubert n’en a cure. Lui aussi souhaite se battre pour son pays et rejoindre les Centres de Recrutement de l’Armée belge situés dans le Sud de la France.
Institution : Historische Huizen Gent
Collection : Exposition Gekleurd verleden, familie in oorlog
Droits d'auteur : Historische Huizen Gent
Légende Web : « Quand le garde champêtre est venu annoncer à la ferme que tous les hommes de 16 à 35 ans devaient partir en France, je n’ai pas douté une seconde. Mon frère et moi, nous avons enfourché nos vélos et nous sommes partis à Menin avec un beau morceau de viande comme provision et les cent francs que maman nous avait donnés. Avant même d’arriver à Courtrai, on avait déjà plus de vélos, ils avaient été réquisitionnés par l’armée belge. Alors mon frère est parti pour aller le reprendre mais il n’est plus revenu. Plus tard, j’ai su qu’il pensait que j’étais rentré à la maison donc lui est reparti et moi j’ai continué vers Menin Un gamin de 15 ans seul au monde , je n’ai pas tenu très longtemps. »
Mais l’aventure sera de courte durée. Parti avec son frère, il se retrouve finalement seul dans un pays en guerre. Une nuit, près de Courtrai, Hubert est pris au milieu d’une fusillade. Les balles sifflent au-dessus de sa tête. L’adolescent prend peur et s’enfuit. Il se réfugie dans une ferme mais est finalement rattrapé par les Allemands. Les soldats l’obligent à sortir les mains en l’air avant de le relâcher. Hubert rentre chez lui, dans la région de Zottegem, à pied.
Pendant la guerre, la principale préoccupation de la population est de se nourrir pour survivre.
Les denrées de base comme le pain ou les pommes de terre sont rationnées. La distribution se fait avec des tickets de rationnement mais les proportions sont souvent insuffisantes pour couvrir les besoins de base : 1.380 calories par jour au lieu des 2.400 nécessaires.
Institution : Historische huizen Gent
Collection : Exposition Gekleurd verleden, familie in oorlog
Droits d'auteur : Historische huizen Gent
Légende Web : Au début, chez nous à la ferme, la vie suivait plus ou moins son cours. Normal. Enfin normal, c’est beaucoup dire, parce qu’on manquait de tout évidemment et on était obligé de céder une part de nos provisions ; alors on enterrait une bonne partie de notre réserve de pommes de terre pour la dérober aux yeux des Allemands. On leur disait qu’on nous avait volé un cochon alors qu’il trempait déjà dans la saumure
Hubert a la chance d’habiter à la campagne. Le ravitaillement y est plus facile qu’en ville. Toutefois, une grande partie des vivres est réquisitionnée par la Corporation Nationale pour l'Agriculture et l'Alimentation(CNAA), un nouvel organisme parastatal chargé d'organiser et de contrôler toute la chaîne alimentaire (production, distribution et transformation) et le rationnement des vivres. Hubert et sa famille font preuve d’ingéniosité pour éviter ces réquisitions.
Les vivres cachées servent à nourrir la famille ou à alimenter le marché noir. Ce dernier est largement développé : on y trouve de tout à condition d’y mettre le prix. Dans le village d’Hubert, certains villageois achètent des produits à la ferme pour les revendre plus cher à la ville. Le risque est évidemment élevé. Pour la famille d’Hubert et les autres fermes, il s’agit d’une source de revenus supplémentaires.
6 octobre 1942, le travail obligatoire en Allemagne est instauré. Cette mesure va bouleverser la Belgique occupée et la vie de Hubert. Appelé au Arbeitsambt de Aalst, il décide de ne pas se présenter. Pas question pour lui d’aller travailler pour les Allemands. Comme 17.000 autres jeunes, il plonge dans la clandestinité et devient réfractaire. Le risque et le danger sont évidemment importants. Il faut éviter les Allemands mais aussi les délateurs.
Le danger n’est pas toujours très loin. Parfois, les parents d’Hubert accueillent des enfants de la ville pendant les vacances. Le frère de l’un d’eux est proche d’un mouvement de collaboration. Lorsqu’il dort à la maison, Hubert n’ose pas y revenir.
Institution : Historische huizen Gent
Collection : Exposition Gekleurd verleden Familie in oorlog
Droits d'auteur : Historische huizen Gent
Légende Web : « Quand on m’a dit que je devais aller travailler en Allemagne, alors là très peu pour moi. Je me suis planqué, je travaillais dans les fermes du voisinage et la nuit, je dormais dans le grand four à pain à la maison. Bien sûr, il fallait tout le temps se méfier des Allemands. Quand ils arrivaient, les gens se mettaient à siffloter pour prévenir les autres. Les Allemands l’ont vite compris. Ils se sont mis à tirer en l’air dès qu’ils entendaient siffloter quelqu’un. Et puis je ne devais pas me méfier seulement des Allemands , il y avait des traitres partout. Il y en a un ici aussi qu’on appelle le petit Hitler
Un jour, en compagnie d’amis, Hubert a la Gestapo à ses trousses. Les jeunes fermiers connaissent bien la région et s’enfoncent en courant dans la forêt. Ils y passent des heures dans le noir sans bouger.
Finalement, Hubert ne s’a jamais été pris mais a vécu deux ans la peur au ventre. .
3 septembre 1944, un bruit de moteur, une odeur de benzine se fait sentir. Un bruit de moteur différent se fait entendre. Pas de doute, ce sont les Anglais.
Directement, sans réfléchir, Hubert fonce avec son frère les accueillir. Trop empressé, ils se retrouvent tous les deux au milieu d’une fusillade entre Allemands et Anglais. Hubert s’en sort avec un doigt cassé. Qu’importe, il est enfin libre !
Un évènement vient assombrir quelque peu la joie d’Hubert.
En novembre 1944, un avion américain s’écrase dans le champ familial. Tout le village vient admirer l’engin. Toutefois, pour la famille, la carcasse est problématique car elle empêche le père d’Hubert de cultiver son champ. L’homme s’adresse aux soldats alliés pour leur demander la permission de retirer l’avion.
Ce n’est pas évident car il ne parle pas un mot d’anglais. Finalement, aidé d’un interprète, il obtient l’autorisation de déplacer l’engin. À la sortie de guerre, la situation matérielle est toujours précaire et la famille décide de vendre l’aluminium contenu dans l’avion.
Quelque mois plus tard, Hubert et son père reçoivent la visite de la Sûreté de l’Etat. Ils sont accusés d’avoir désossé et vendu l’avion sans autorisation. Le père d’Hubert est arrêté. Son fils est en colère : son père se retrouve en prison durant 18 jours alors que le vieil homme n’a rien fait. Finalement, l’interprète vient témoigner que la famille avait obtenu l’accord des Anglais.
La vie reprend son cours à la ferme Van de Casteele. De la guerre, Hubert garde surtout le souvenir des privations alimentaires et du danger de la clandestinité.
De Wever, Bruno, Martine Van Asch, and Rudi Van Doorslaer, eds. “Getuigenis Hubert Van de Casteele.” In Gekleurd Verleden: Familie in Oorlog, 133–39. Tielt: Lannoo, 2010.
Vrints, Antoon. “Er Was Gebrek Aan Alles.” In Gekleurd Verleden: Familie in Oorlog, edited by Bruno De Wever, Martine Van Asch, and Rudi Van Doorslaer, 140–46. Tielt: Lannoo, 2010