Un équilibre difficile
Sous l'Occupation, le pouvoir judiciaire doit trouver une manière de travailler avec les autorités allemandes. La magistrature croit qu'en menant une politique du moindre mal, elle pourra protéger au mieux les intérêts de la population. Pourtant, l'équilibre avec le pouvoir occupant s'avère difficile sur certains points, en particulier lorsque les tensions entre l'occupant, les partis de collaboration et la population ne cessent de s’intensifier.
Pour la magistrature, il est important que la justice continue de fonctionner aussi bien que possible et qu'elle puisse conserver son indépendance. Pour le pouvoir occupant, il est également important que la justice belge fonctionne. En effet, il ne dispose pas lui-même de suffisamment de personnel pour maintenir l'ordre public. Aussi les autorités allemandes contrôlent-elles de très près le fonctionnement de la justice. L'indépendance de la justice belge est, pour l’occupant, de moindre importance.

Institution : CegeSoma
Collection : Sipho
Droits d'auteur : CegeSoma
Légende d'origine : General d. Inf. von Falkenhausen, Militärbefehlshaber in Belgien und Nordfrankreich. [Propaganda - Abteilung Belgien - PK Kropf] [censure photographique]
La crise

Collection : Archief van het Parket van de Procureur des Konings te Antwerpen (periode 1939-1950)
Légende d'origine : Non légendée
Le pouvoir judiciaire belge et l'occupant allemand n'attachent donc pas le même intérêt à cette indépendance; il en résulte, à plusieurs reprises, tout comme pendant la Première Guerre mondiale, de vifs conflits. En 1942, par deux fois, une véritable crise s'installe dans la relation entre magistrature et pouvoir occupant. Les deux conflits concernent la compétence des secrétaires généraux.
Par contre, sur un autre point, la magistrature reste ferme quant au maintien de son indépendance. La question concerne la répartition des tâches entre justice belge et justice allemande, en d'autres termes : quels services de police et quels tribunaux poursuivent et jugent quels délits ? Au début de l'Occupation, il est convenu que la justice allemande prendra à son compte tous les délits qui visent le pouvoir occupant, et que la justice belge s'occupera du reste.
Violence
Lorsque les actes de violence perpétrés par la résistance contre des collaborateurs commencent à se multiplier, cette répartition des tâches s'avère trop imprécise. Le pouvoir occupant exige que la police belge recherche les résistants qui s'en prennent aux collaborateurs. Les magistrats craignent, ce faisant, de devenir un instrument de la répression allemande. Comme le pouvoir occupant n'entend pas céder, certains magistrats et collaborateurs de la police sabotent les enquêtes afin que les auteurs ne sont jamais retrouvés. C'est ainsi que le pouvoir judiciaire réussit à imposer sa volonté sans empirer le conflit.

Droits d'auteur : CegeSoma
Légende d'origine : Les illuminations à Bruxelles pour les fêtes du Centenaire. Le Palais de Justice apparaît immense dans la nuit.

Collection : Belgapress
Droits d'auteur : CegeSoma
Légende d'origine : La plus récente photo de M. Schuind. [censure photographique]
Bibliographie
Gotovitch, José. Note Relative à La Magistrature Sous l’occupation. Notes de Travail 5. Bruxelles: Centre de recherches et d’Etudes Historiques de la seconde guerre mondiale, 1972.
Louveaux, Charles. “La Magistrature Dans La Tourmente Des Années 1940-1944.” Revue Du Droit Pénal et de Criminologie, no. 61 (1981): 620–65.
Wouters, Nico. De Führerstaat: Overheid En Collaboratie in België (1940-1944). Tielt: Lannoo, 2006.
Zurné, Jan Julia. “‘Een Buitengewoon Verontrustend Gewetensprobleem’. De Belgische Magistratuur En Door Verzetsgropen Gepleegd Geweld Tegen Collaborateurs 1940-1950.” Ph.D. Thesis, Universiteit Gent, 2016.