De manière générale, l’historiographie de la Seconde Guerre mondiale a été très tardive en Belgique. Il a fallu attendre la création, à la fin des années soixante, du Centre d’Etudes et de Recherches historiques de la Seconde Guerre mondiale pour que les recherches démarrent véritablement. Dans les universités, la période était jugée trop sensible et trop proche pour faire l’objet de travaux. Cette absence du monde académique a laissé le terrain presqu’exclusivement aux témoins. Si, du côté francophone, ce sont surtout des résistants qui, au départ, se sont exprimés, en Flandre, on a vu fleurir quantité de publications d’anciens collaborateurs mettant essentiellement en exergue la répression, présentée comme un règlement de compte de l’Etat belge dont le but principal était de disqualifier des « idéalistes flamands ». Ce point de vue a trouvé écho dans une certaine paralittérature scientifique dont la première Encyclopedie van de Vlaamse Beweging (1973-1975) est sans doute l’exemple le plus connu.
En 1982, la BRT entame la diffusion de la série De Nieuwe Orde. Elle révèle certains aspects jusqu’alors mal connus ou occultés des engagements liés à la collaboration. La diffusion, suivie chaque semaine par quelque 800.000 téléspectateurs flamands est un choc tant la série montre clairement les liens entre la collaboration et le nazisme et ses crimes.
Il faut cependant encore attendre 1994 et la publication de la thèse de doctorat de Bruno De Wever pour que le VNV soit clairement identifié comme un parti d’emblée fasciste. Au même moment paraît l’ouvrage – également issu de sa thèse de doctorat – de l’historien britannique Martin Conway consacré au rexisme de guerre (1994). L’étude de la répression n’est pas en reste. Près de quarante ans après les travaux pionniers de John Gilissen (1951), l’étude dirigée par Luc Huyse (1991) sur la répression de la collaboration fait le point sur la question. Contrairement à l’ouvrage de Bruno De Wever (1994), cette étude a également été publiée en français. Des recherches ultérieures se sont intéressées non plus tant aux mouvements et partis de la collaboration mais à l’attitude des élites locales – l’attitude des bourgmestres (2004) – et nationales – l’attitude des autorités belges dans la délicate question de la persécution des Juifs de Belgique (2007).
Le flux ne s’est pas tari tant et si bien que l’on dispose aujourd’hui de très nombreuses études sur la collaboration même si le sujet reste mieux étudié dans le monde néerlandophone. Quant à la répression, l’étude de Luc Huyse a été suivie par plusieurs thèses de doctorat portant sur la mise en œuvre de la législation et les suites judiciaires de la politique de répression. Les universités francophones ont également consacré plusieurs mémoires aux diverses formes de la répression des collaborations. Si, sur le plan scientifique, de nombreux mythes ont été éventés, il reste un débat sociétal chargé pour une question politiquement sensible.
Colignon, Alain, and José Gotovitch. “Du Sang, de La Sueur, de l’encre.” Jours de Paix, 2001, 101–26.
Maerten, Fabrice. “L’historiographie de La Résistance Belge : À La Recherche de La Patrie Perdue.” In Faire l’histoire de La Résistance, edited by Laurent Douzou, 257–76. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2010.
Benvindo, Bruno, and Chantal Kesteloot. “Témoins, Historiens, Etats : Mémoires de La Seconde Guerre Mondiale En Belgique.” In Images Des Comportements Sous l’Occupation. Mémoires, Transmission, Idées Reçues, by Jacqueline Sainclivier, Jean-Marie Guillon, and Pierre Laborie, 93–111. Rennes, 2016.
