Compétences en matière de répression après la guerre
Le ministre de la Justice est responsable de l'organisation judiciaire; il est politiquement responsable de la politique en matière judiciaire et peut, dans une certaine mesure, orienter le ministère public. Etant donné qu'il peut octroyer des réductions de peines, accorder la grâce et décider de la mise en liberté, en tant que membre du pouvoir exécutif, le ministre a plus d'impact sur l'exécution des peines que sur le jugement proprement dit.
Walter Ganshof van der Meersch, l'auditeur général, est une forte personnalité, qui tient à son indépendance. Il considère toute ingérence du ministre de la Justice en matière de poursuites, telle qu'elle s'est manifestée après la Première Guerre mondiale, comme une atteinte à son autonomie et au principe de la séparation des pouvoirs. C'est principalement dans le domaine de la répression de la collaboration économique que se manifestent des tensions. L'auditeur général peut compter sur un plus large soutien politique de la part de Marcel Grégoire (1907-1966), ministre de la Justice de 1945 à 1946, qui partage ses opinions.
Le ministre de la Justice est également responsable des prisons, où des milliers de collaborateurs sont incarcérés après la Libération. En vertu de cette compétence, le ministre peut infléchir la politique mise en œuvre.
La politique de rééducation
Sous l'influence de l'administration pénitentiaire, le libéral Albert Lilar (1900 – 1976), ministre de la Justice de 1946 à 1947, mise sur la rééducation des collaborateurs incarcérés. On passe des sanctions à la rééducation et à la préparation au retour dans la société. Les collaborateurs détenus bénéficient de cours dans le but de les convaincre des valeurs de la démocratie belge. Ils peuvent également suivre une formation professionnelle. Le travail dans les charbonnages, où la main d'œuvre fait cruellement défaut alors que la demande de charbon est très forte, ainsi que d'autres formes de travail carcéral sont vues comme une forme d’expiation à l'égard de la société belge.
Mise en liberté, réduction des peines et grâce
Lilar met sur pied une politique de libération et de réduction des peines. Dès lors, très peu de collaborateurs condamnés purgent leur peine dans sa totalité. Cette politique correspond à un glissement des sensibilités de l'opinion publique: plus la guerre s'éloigne, plus la demande de sanctions dures et de longue durée s’estompe. Cette évolution permet aussi de réduire le surpeuplement des prisons.
Le social-chrétien Paul Struye (1869-1974), ministre de la justice, renforce cette politique en 1947-1948 mais il doit démissionner après une interpellation au sujet de mesures de grâce octroyées en faveur de collaborateurs condamnés à mort. Le recours en grâce est une procédure automatique, formulée d'office pour tout condamné à mort. Souvent, la grâce est accordée. Formellement, il s’agit d’une prérogative du chef de l'Etat mais, dans la pratique, c'est le ministre de la Justice qui prend la décision et en assume la responsabilité politique..
Bibliographie
Aerts, Koen. “Repressie Zonder Maat of Einde?” De Juridische Reïntegratie van Collaborateurs in de Belgische Staat Na de Tweede Wereldoorlog. Gent: Academia Press, 2014.
Grevers, Helen. Van Landverraders Tot Goede Vaderlanders : De Opsluiting van Collaborateurs in Nederland En België 1944-1950. Amsterdam: Balans, 2013.
Van Haecke, Lawrence. “Repressie En Epuratie. De Bescherming van de Uitwendige Veiligheid van de Staat Als Politiek-Juridisch Probleem Tijdens de Belgische Regimecrisis (1932-1948).” Ph.D. Thesis, Universiteit Gent, 2014.