Cet administrateur issu de la droite catholique occupe le poste de gouverneur de guerre de la province de Liège pendant un an et demi (1940-1941). Avril 1941 marque pour lui le point de rupture et, en décembre 1941, il démissionne pour protester contre la politique de collaboration.
Prélude
Georges Doyen (°1906) est docteur en droit et travaille comme avocat à l'administration provinciale de Liège depuis 1931. Il est de tendance catholique. En 1939, il est nommé commissaire de l'arrondissement de Waremme.
Il prend la fuite en mai 1940 mais est déjà de retour à son poste à l’arrivée des Allemands. Il n'est dès lors pas soumis à une enquête disciplinaire pour abandon de poste. Dans un premier temps, il reprend sa fonction de commissaire d'arrondissement mais, le 23 août 1940, il est nommé gouverneur ad interim de la province de Liège. Il est en effet exclu d’y désigner un fonctionnaire collaborationniste, issu de Rex, par exemple,
D'après ce que l'on peut reconstituer, cette nomination se fait de manière assez spontanée. Le secrétaire général de l'Intérieur, M. Vossen, a des vues sur un professeur de l'université de Liège, mais comme celui-ci se désiste en dernière minute, il se rabat sur le commissaire d'arrondissement de Waremme. Doyen prétendra qu'il était à peine au courant lorsque Vossen procède à sa nomination, ce que ce dernier ne contredit pas. Nous ne savons rien des idées politiques de Doyen en 1940. Peut-être est-il connu comme un partisan d'une réforme autoritaire de l'administration publique. Son profil correspond à celui de Jozef De Vos, nommé en même temps gouverneur de la province de Flandre orientale. Il s’agit aussi d’un commissaire d'arrondissement d'avant-guerre au profil catholique de droite, dont on peut attendre une certaine 'docilité' en 1940.
Gouverneur
En 1940, Doyen semble en effet soutenir les réformes administratives autoritaires. Mais l'ordonnance sur le vieillissement du 7 mars 1941 et la nomination du secrétaire général Romsée au début d'avril 1941 sont des moments de rupture. Dès qu'il devient évident que Rex veut faire main basse sur les nominations, Doyen freine des quatre fers. Comme la plupart des gouverneurs wallons en 1941, il s'oppose aux candidatures rexistes dans l'administration publique. Il se déclare par ailleurs opposé aux réformes autoritaires de Romsée. Favorable à la création d'un Grand Liège avant l'occupation, Doyen retire son soutien au projet en 1941 et semble alors calquer sa position sur la conférence des 24 bourgmestres du 'Grand Liège'.
Démission et conséquences
Doyen tire plus rapidement ses conclusions que nombre d'autres fonctionnaires et présente sa démission une première fois le 1er décembre 1941 suite à l’ordonnance allemande relative à la livraison de métaux non ferreux en date du 21 octobre 1941. Cette mesure peut être considérée comme une fourniture de matériel au bénéfice de l'industrie de guerre allemande et donc potentiellement comme un acte punissable. Les 24 communes de l'agglomération liégeoise, sous la houlette du bourgmestre socialiste Joseph Bologne, déclarent collectivement qu'elles refusent de l'exécuter. Pour Doyen, cette position est un signal pour démissionner : il fait valoir que le "soutien moral" de ces communes est indispensable et qu’il ne veut pas aller à l'encontre de ces bourgmestres. À la lecture de sa lettre de démission, on peut supposer que Doyen est peut-être content d'avoir l'occasion de se libérer d'une position délicate. Vossen temporise, mais le 30 décembre 1941, Doyen présente une seconde fois sa démission avec des arguments plus solides. Cette fois, il précise que l'ordonnance sur le vieillissement du 7 mars 1941 est un instrument pour nommer des collaborateurs. Il fait à nouveau mention de ce que les réquisitions allemandes de gardes et de métaux non ferreux sont inacceptables et constate "une différence de conception absolue" entre la mission de son administration et la politique du moment. La désignation de son successeur prend un certain temps. Ce n’est que le 1er avril 1942 que Georges Petit est nommé gouverneur de la province de Liège.
Cette démission anticipée se révèle être une sage décision. Après la libération, Doyen n'est pas inquiété et reprend ses fonctions de commissaire d'arrondissement de Waremme en 1945 pour de longues années.
Bibliographie
Nico WOUTERS, Oorlogsburgemeesters 40-44. Lokaal bestuur en collaboratie in België, Tielt, 2004.
Nico WOUTERS, De Führerstaat. Overheid en Collaboratie in België (1940-1944), Lannoo, Tielt, 2006.