Chef de file du VNV de Flandre occidentale et gouverneur de guerre de cette même province, Michiel Bulckaert favorise le ravitaillement à l’échelle locale. Ultérieurement, il s'oppose ouvertement et fermement au pouvoir bureaucratique impuissant et chaotique de l'administration de guerre. En revanche, en bon petit soldat du VNV, il participe à la mise en œuvre des réformes autoritaires, à la prise de pouvoir de cette formation et à la politique de répression menée par les forces d'occupation.
Avant-guerre
Né à Oostvleteren, Michiel Bulckaert (1895-1968) est actif dans le mouvement estudiantin catholique flamand pendant ses études à Furnes. Volontaire durant la Première Guerre mondiale, il est gravement blessé. Après 1918, il reste actif au sein de l'Association des anciens combattants flamands (Verbond van Vlaamse Oud-Strijders – VOS). Devenu docteur en droit à l'Université catholique de Louvain en 1921, puis avocat au barreau de Furnes, il devient l'un des leaders du nationalisme flamand en Flandre occidentale pendant l'Entre-deux-guerres. Il est secrétaire du Pèlerinage de l'Yser et vice-président du Comité de ce même Pèlerinage jusqu'en 1940. De 1925 à 1944, il est conseiller provincial du canton de Furnes : d'abord pour le Frontpartij et, après 1933, pour le Vlaams Nationaal Verbond (VNV). De 1926 à 1936, il est également conseiller communal à Furnes. En 1936, il devient membre de la députation permanente (jusqu'en septembre 1941), en tant que représentant du Vlaams Nationaal Blok.
Gouverneur de guerre et prise de pouvoir
Le 17 août 1940, Bulckaert est nommé gouverneur ad interim de la province de Flandre occidentale, en remplacement de Harry Baels, radié de sa fonction par les Allemands pour "abandon de poste". Lui et Gerard Romsée (Limbourg), nommés simultanément, sont les deux premiers gouverneurs VNV. Exerçant ce poste jusqu'à la fin de l'occupation, Bulckaert est le "gouverneur de guerre" aux plus longs états de service en Belgique.
Bien que Bulckaert et Romsée soient généralement considérés comme appartenant à la tendance dite "modérée" (en d’autres termes : réaliste) du VNV, ils jouent tous deux un rôle central dans la prise de pouvoir de cette formation. En 1940, Bulckaert forme un tandem avec Romsée, plaidant avec ce dernier pour des réformes autoritaires du système administratif, en particulier un contrôle central plus étroit des villes et des communes. En mars 1941, il se félicite de l'ordonnance allemande contre le vieillissement et soutient ensuite la série de réformes autoritaires mises en œuvre par Romsée comme secrétaire général, soit autant de mesures qu'il applique de manière déterminée.
Le VNV obtient rapidement la majorité au sein de la députation permanente de Flandre occidentale (quatre sièges contre deux aux catholiques). En juin 1941, Bulckaert devient le "référent en matière de politique administrative" de la Flandre occidentale au sein de la commission ad hoc du VNV.
Bonne gouvernance et intérêts locaux ?
Bulckaert se présente avant tout en réformateur sur le plan administratif. En 1940-1941, il croit en la mise en place d'un nouveau système administratif autoritaire qui doit être plus efficace. La responsabilité politique doit y être plus transparente et plus proche des besoins sociaux réels des communautés locales. Plaidant pour une décentralisation administrative qui accroit le pouvoir des gouverneurs, il plaide en faveur de corporations autonomes organisées au niveau provincial et envisage une sorte de fédéralisation radicale de la Belgique avec une réduction de la bureaucratie. Mais ces idées restent mal structurées et utopiques. N’obtenant pas de réponse de Romsée en 1941, il les présente en personne à l'Oberfeldkommandantur de Gand mais sans résultat.
En 1942, cette situation entraîne une frustration croissante face aux problèmes d'approvisionnement alimentaire et aux questions de maintien de l'ordre. Pendant l'occupation, tous les gouverneurs protestent contre les carences de l'autorité centrale, mais la voix de Bulckaert est la plus forte. En tant que membre de VNV, il peut se permettre beaucoup de choses. Il attribue la cause de nombreux problèmes à l'action d'une autorité lointaine qui siège à Bruxelles et pense pouvoir résoudre des problèmes concrets en multipliant les règles, circulaires, mesures administratives et envois de jeunes inspecteurs de la capitale. En 1942, il se détourne quasi ouvertement de l'autorité centrale. En mars, dans une lettre au gouverneur Jan Grauls, il qualifie les secrétaires généraux de "corrompus". Lorsque les bourgmestres de Flandre occidentale boycottent un nouveau projet du secrétaire général De Winter en mai 1942, Bulckaert les soutient publiquement. En novembre 1942, il écrit au ministère de l'alimentation que plus le ministère réglemente, plus "les gens ont faim". Lorsqu'en octobre 1943, De Winter annonce que les autorités locales doivent mettre fin aux collectes non autorisées de produits alimentaires pour les marchés locaux, Bulckaert déclare qu'il n'exécutera pas cette décision du secrétaire général. Il défend souvent les intérêts locaux contre l'autorité centrale. Il est, par exemple, sensible aux actions de contrôle qui affaiblissent l'autorité locale d'un bourgmestre, et préfère que tout soit réglé en coulisses par la province.
Bien sûr, l'opportunisme politique est aussi à l'œuvre ici. Lorsqu'il tente d'éviter les sanctions allemandes contre les agriculteurs en 1943, Bulckaert parle de " contexte psychologique défavorable [qui] rendrait ma politique beaucoup plus difficile ". Comme son collègue Frans Wildiers, il s'inquiète de la façon dont cette responsabilité du VNV sur le plan administratif rejaillit sur l'ensemble du parti.
Le maintien de l'ordre
En ce qui concerne le maintien de l'ordre au sens large, Bulckaert agit en bon petit soldat du parti. Il soutient le travail obligatoire en Allemagne (octobre 1942) et la répression de toute dissidence et résistance. Il est donc tout à fait dans la ligne de Romsée et Van Coppenolle. Citons par exemple sa lettre circulaire aux bourgmestres, datée du 20 octobre 1941, dans laquelle il écrit que les forces de l'ordre belges sont légalement tenues de coopérer en permanence avec l'occupant allemand. Il transmet également de nombreuses instructions allemandes et belges pour traquer les clandestins et les réfractaires au travail obligatoire. Néanmoins, comme tous les gouverneurs, il cherche et adopte une ligne réaliste en 1943-1944. La politique ambiguë de Romsée en matière de travail obligatoire et les instructions (orales) contradictoires le rendent prudent. En ce qui concerne la transmission de données personnelles de citoyens belges à l'occupant allemand, Bulckaert tente de se couvrir. Il semble suivre la ligne de Frans Wildiers: transmettre les noms de Belges pour le travail obligatoire en Allemagne est formellement interdit, mais il est plus facile de ne pas poser de questions. En ce qui concerne l'application de la loi ou la répression allemande, Bulckaert se limite généralement à transmettre des ordres. Il ne va pas prendre d'initiatives concrètes pour combattre la résistance, comme c'est le cas dans la province du Limbourg.
Après la guerre
Après l'occupation, Bulckaert est condamné à la prison à perpétuité (juin 1946) pour collaboration politique et délation. En ce qui concerne la collaboration politique, les nominations de bourgmestres sont déterminantes, de même que l’ordre donné aux bourgmestres de collaborer à la réquisition des cloches et à la privation des timbres de ravitaillement aux réfractaires, s'opposant ainsi aux instructions du secrétaire général de la justice Gaston Schuind. Les faits de dénonciation apparaissent plus bénins : il a dénoncé aux autorités d'occupation deux vendeurs de chevaux malhonnêtes, tous deux arrêtés et légèrement punis par l'occupant. Dans un premier temps, ce fait est jugé grave, mais une fois la grâce accordée, son caractère bénin est pris en compte. En octobre 1946, sa peine est réduite à 15 ans. Mis en liberté conditionnelle en septembre 1950 et rétabli dans ses droits en janvier 1966, Bulckaert devient ensuite directeur d'une entreprise textile à Courtrai où il décède le 20 avril 1968.
Bibliographie
Bruno DE WEVER, Greep naar de macht. Vlaams-nationalisme en nieuwe orde. Het VNV, 1933-1945, Tielt, 1995
Luc SCHEPENS, De provincieraad van West-Vlaanderen (1921-1978), Tielt, 1979.
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Nico WOUTERS, Oorlogsburgemeesters 40-44. Lokaal bestuur en collaboratie in België, Tielt, 2004.
Nico WOUTERS, De Führerstaat. Overheid en Collaboratie in België (1940-1944), Lannoo, Tielt, 2006.