Dès les premiers instants, la guerre emporte les enfants belges dans ses réalités les plus difficiles. Le début du conflit marque le départ au combat de nombreux pères de familles – certains ne reviennent pas et des dizaines de milliers sont faits prisonniers pour des durées plus ou moins longues – tandis que la peur de l’occupant et le souvenir de l’invasion de 1914 jettent de nombreuses familles sur les routes. C’est l’exode.
Rapidement, l’occupation du territoire devient synonyme de privations. Les enfants n’y échappent pas : nourriture, habillement, combustibles pour le chauffage… Les familles belges manquent de tout. À l’automne 1940, les secrétaires généraux initient les Secours d’hiver, répondant à un ardent souhait de l’administration militaire occupante qui redoutait la révolte des populations affamées.
L’organisation, au départ très contestée, fait de l’enfance l’un de ses plus grands bénéficiaires : distributions de soupes (environ 700.000 enfants sont concernés), collations et suppléments alimentaires, organisation de séjours à la campagne pour les enfants des villes les plus paupérisés.
Bien réelle et d’envergure, l’intervention des organismes publics comme privés de bienfaisance ne parvient pas à enrayer les difficultés des familles. En témoignent l’intégration des plus jeunes dans des stratégies familiales de survie, licites ou non: glanage, maraudage, marché noir, vols et recels en tous genres…
Leur scolarité est par ailleurs perturbée par les bombardements et destructions de bâtiments, par la réquisition ou l’occupation des écoles par les troupes (belges, allemandes, puis alliées à la libération) mais aussi par les tentatives, peu fructueuses, de modification des programmes par l’occupant.
Suite aux mesures anti-juives, plusieurs milliers d’enfants sont déportés dans les camps de concentration et d'extermination. Avec les vieillards et les invalides, ils sont les premiers à être exterminés. Certains parents, avec le support d’organisations telle que la section Enfance du Comité de défense des Juifs, confient leurs enfants à d’autres familles ou à des institutions. Si cette décision leur permet d’échapper à la mort, l’expérience n’en est pas moins traumatisante pour le reste de leur existence (Enfants cachés).
La guerre est partout et touche aussi l’imaginaire des enfants. Ils intègrent, d’une manière qui leur est propre, les expériences auxquelles ils sont directement confrontés ou celles dont les conversations d’adultes se font l’écho. Les jeux et dessins d’enfants, leurs souvenirs recueillis témoignent, parfois plusieurs décennies après le conflit, du poids de la guerre sur leur enfance.
Colignon, Alain. « Secours d’hiver, secours d’Hitler? » Jours de guerre, no 6 (1992): 65‑90.
François, Aurore. Guerres et délinquance juvénile. Un demi-siècle de pratiques judiciaires et institutionnelles envers des mineurs en difficulté (1912-1950). Bruxelles: La Charte, 2011.
Fohn, A. « Secret et traumatisme : l’expérience des enfants juifs cachés en Belgique ». L’Autre 2, no 11 (2010): 189‑98.
Van Ruyskensvelde, Sarah. Wartime schooling and education policy in the second world war : catholic education, memory ... and the government in occupied Belgium. London: Palgrave Macmillan, 2016.