Belgique en guerre / Personnalités

Baeck Camiel

Thème - Collaboration

Auteur : Wouters Nico (Institution : CegeSoma)

Fils d'un employé des chemins de fer, Camiel Baeck (°Opdorp, 8 janvier 1905) effectue ses humanités au collège de Termonde. Sa carrière professionnelle est variée : il est successivement secrétaire communal faisant fonction de Kraainem, employé à la bourse, à la police judiciaire de Bruxelles, comptable dans une brasserie bruxelloise (à partir de 1933) puis employé à l'abattoir d'Anderlecht. Baeck s'installe à Malines en raison des bonnes liaisons ferroviaires. En 1936, il y devient chef régional et chef de district suppléant du Vlaams Nationaal Verbond (VNV). La ville compte une importante classe moyenne supérieure francophone. Avec 61 membres en 1936, le VNV y est faible. Lors des élections communales de 1938, Baeck est élu sur une liste de concentration flamande, mais ni le VNV ni Rex ne peuvent entrer au collège échevinal (deux échevinats sont stratégiquement attribués aux libéraux).

La première année d'occupation et sa nomination

Contrairement à de nombreux autres membres du VNV, Baeck fuit Malines avec sa famille au moment de l'invasion allemande en mai 1940, mais il y revient rapidement. Il y est nommé chef de district du VNV en 1940. Lors de la première séance du conseil communal de l'occupation, en août 1940, Baeck incite les membres du VNV à recourir à la violence verbale pour intimider les conseillers communaux socialistes. Ces derniers se tiennent alors à l'écart du conseil communal. Durant l'été 1940, le VNV de Malines s'en prend au bourgmestre Karel Dessain afin d'obtenir sa démission. Le VNV local monte un dossier à charge, portant sur des irrégularités présumées dans la réglementation de l’approvisionnement. Cependant, c'est l'ordonnance allemande sur le vieillissement qui pousse Dessain à se retirer et à démissionner "volontairement". Baeck obtient l'autorisation des Allemands et est nommé bourgmestre en juillet 1941. Cette nomination s’accompagne d’une célébration du VNV au théâtre de la ville le 28 juillet 1941. Au début de ce mois, Baeck a également réussi à sceller la fusion locale du VNV, du Verdinaso et de Rex. À partir d'octobre 1941, il gouverne avec une majorité VNV au sein du collège échevinal.

Tout cela ne peut cependant masquer le fait que Baeck n'a que peu de soutien et qu'il suscite une grande hostilité. Peu après sa nomination en juillet 1941, une grenade explose sous sa voiture, garée devant son domicile. Seules de légères mesures punitives sont prises, ce qui indique peut-être que Baeck ne veut pas encore se montrer trop répressif. Cependant, le nombre de policiers augmente considérablement dans la ville. Baeck tente activement de recruter des membres du VNV (le nombre exact de membres du VNV au sein de la police de Malines est inconnu). En 1942, il tente en vain de nommer un ancien membre du Verdinaso au poste de commissaire de police.

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Institution : KBR
Légende d'origine : Het Algemeen Nieuws 31 07 1941 p. 5

Engagement politique et travail obligatoire

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Institution : Cegesoma/Archives de l'Etat
Légende d'origine : Le Leader accueilli par le bourgmestre Baeck à l'hôtel de ville de Malines le 25/11/1942.
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Institution : KBR
Légende d'origine : Het Laatste Nieuws 30 07 1941 p. 4



En 1941-1942, il s'emploie à faciliter les réunions politiques à Malines, telles que les commémorations et les réceptions des dirigeants du VNV. Il soutient le recrutement pour le front de l'Est. Il est membre de la Dietse Militie/Zwarte Brigade et référent en matière de politique administrative pour le VNV. Il se distingue également par sa gestion active des listes d'opposants politiques. En juillet 1941, il établit une liste des propriétaires d'un appareil radio illégal. Il soutient activement l'établissement de la liste d’éléments dits "asociaux" dans le cadre du travail obligatoire, et dresse également établir des listes d'opposants après chaque attentat. Il est en contact permanent avec la Feldgendarmerie et la Werbestelle. Lorsqu'une grenade explose près du bâtiment de la Banque nationale, plusieurs otages sont temporairement retenus, dont plusieurs membres de la police de Malines.

Baeck se montre rapidement à la hauteur de sa réputation d'homme obstiné. En ce qui concerne l'approvisionnement en denrées alimentaires, cela peut être positif, notamment parce qu'il place l'approvisionnement local en denrées alimentaires au-dessus de l'intérêt public. Il interdit par exemple l'exportation des fruits et légumes de Malines, ce qui n'est pas de son ressort et ce qui lui vaut d'être attaqué par la province.

Le fait que cette obstination renforce son radicalisme politique apparaît clairement lors de la mise en œuvre du travail obligatoire en Allemagne. Le secrétaire général de l’intérieur, Gerard Romsée, également membre du VNV, interdit en principe toute coopération dans le cadre de l'application de cette ordonnance allemande. En particulier, le refus d'accorder des timbres de ravitaillement aux clandestins donne lieu à de nombreuses ambiguïtés et discussions fin 1942 et au printemps 1943. Baeck préconise une politique stricte à l'égard des clandestins et développe une ligne directe avec les services allemands compétents : la Werbestelle et la Feldgendarmerie. Un avis interne au gouverneur (2 février 1943) parle ici de "comportement dogmatique", car Baeck "contrairement à nos instructions, demande s'il pourrait néanmoins collaborer de sa propre initiative à l'application effective de cette ordonnance". 

Conflit avec la province et le parti

Le comportement obstiné de Baeck se manifeste par l'ignorance des règles et des procédures, par exemple lors du recrutement ou de la promotion de fonctionnaires. Les autorités provinciales de contrôle s'en aperçoivent dès 1942. En 1943, le gouvernement provincial mène deux enquêtes internes à son sujet. La première enquête est probablement lancée par l'administration communale de Malines. Les collègues qui doivent travailler avec Baeck tous les jours remarquent qu'il est sous le feu des critiques et recueillent une série de témoignages incriminants sur le comportement personnel et officiel du bourgmestre. Bien que les plaintes soient anonymes, la province ouvre une enquête au début de l'année 1943. Les plaintes portent sur diverses formes de fraude financière, sur des nominations abusives au sein du personnel communal, qui consistent à écarter des opposants et à nommer ou promouvoir des proches, ainsi que sur certains éléments de la vie personnelle de Baeck.

L'avis au gouverneur de l'enquête disciplinaire de la province conclut le 2 février 1943 qu’"(...) avec une certaine obstination, le bourgmestre Baeck se place au-dessus des lois et arrêtés. Bien que quelques infractions locales à la loi soient constatées, il ne peut cependant être question d'une incompétence personnelle totale ou d'une incompétence réelle de la part du bourgmestre (...)". Le 9 février 1943, le commissaire d’arrondissement confirme que Baeck est à l'origine de nombreux conflits dans sa région, principalement en raison de son "comportement autoritaire". Ainsi, bien que - peut-être pour des raisons pragmatiques et stratégiques - les gens tolèrent les actions de Baeck, le gouverneur Wildiers ne se sent pas à l'aise avec l'atteinte à la réputation de la VNV. 

Le 15 février 1943, Wildiers se plaint au secrétaire général du parti, Ernest Vanden Berghe : "Le bourgmestre donne l'impression d'être convaincu à 100 % (...). Mais il va beaucoup trop vite (...) et se préoccupe des (...) réformes à faire, peu de la légalité et des droits acquis. De ce fait, il heurte l'opinion générale et finalement, par son manque de tact et de patience, fait plus de mal que de bien au mouvement". Une nouvelle enquête disciplinaire est ouverte et si, cette fois, le gouverneur Frans Wildiers semble vouloir sanctionner le bourgmestre et fait appel au secrétaire général Romsée, mais ce dernier ne fait rien. La Kreiskommandantur intervient et met le bourgmestre sous protection : elle reprend l'enquête le 9 août 1943 et la classe sans suite. Ce fait montre à quel point Baeck est proche de l’occupant allemand et qu'il peut ainsi passer outre son propre parti. Au printemps 1944, il en vient même à des propos virulents avec Wildiers au sein de son cabinet. Tout cela illustre également ce qui ressort de nombreux témoignages, à savoir le caractère autoritaire et obstiné du bourgmestre Baeck.

Condamnation et exil

Le 2 septembre 1944, le bourgmestre Baeck prend la fuite avec deux échevins du VNV. Il disparaît sans laisser de traces et, le 27 juin 1946, il est condamné à mort par contumace par le conseil de guerre de Malines pour collaboration politique (art. 118bis) et délation (art. 121bis). Le 11 septembre 1947, il est arrêté par hasard à Barcelone, mais il ne sera identifié que plusieurs mois plus tard. L'Espagne du dictateur Franco ne l'extrade pas vers la Belgique. Baeck séjourne quelque temps dans un monastère espagnol avant d'émigrer définitivement en Argentine. Sa femme et ses neuf enfants partent également pour l'Argentine en avril 1948. Comme d'autres collaborateurs condamnés en exil, la famille se construit une nouvelle vie en Argentine, où les descendants vivent encore aujourd'hui.

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Institution : KBR
Légende d'origine : La Libre Belgique 30 06 1946 p. 3

Bibliographie

Nico Wouters, Les bourgmestres de guerre 40-44. Administration locale et collaboration en Belgique, Lannoo, Thielt, 2004.

Nico Wouters, 'Cities and municipalities', in : Bruno De Wever, Helen Grevers, Rudi Van Doorslaer, Jan Julia Zurné (ed.), Knack Historia : Belgium 40-45, Roulers, 2015, p. 78-85.

 Nico Wouters, "Local memory : the social memory of World War II in Flanders", In : Nico Wouters & Koen Aerts (eds.), Oral history in Belgium and the (de-)construction of collective memory. Numéro spécial de la Revue belge de philologie et d'histoire, 92 (2), 2014, pp. 545-575.

Voir aussi

522882(2).jpg Articles Bourgmestres de guerre Wouters Nico
201045.jpg Articles Nomination des Bourgmestres de guerre Wouters Nico
5825.jpg Articles Collaboration administrative Wouters Nico
17536.jpg Articles Collaboration De Wever Bruno
Pour citer cette page
Baeck Camiel
Auteur : Wouters Nico (Institution : CegeSoma)
https://www.belgiumwwii.be/belgique-en-guerre/personnalites/baeck-camiel.html